Les usagers du métro de Paris qui rechignent à payer pour utiliser ce service public sont nombreux. La pratique est si répandue, raconte notre correspondant, qu'il existe désormais des mutuelles regroupant des fraudeurs endurcis qui puisent dans le fonds commun auquel ils contribuent pour payer, au besoin, les amendes.

Quiconque utilise régulièrement le métro parisien sait que les usagers qui fraudent sont légion. Certains franchissent discrètement le tourniquet en se collant à une personne dotée d'un ticket. D'autres bondissent carrément par dessus avant de disparaître illico dans la foule.

 

«C'est l'Australie ici. Il y a beaucoup de kangourous», ironise Danielle Perreau, employée de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) rencontrée hier à la station Sully Morland, au coeur de la capitale.

«Des fraudeurs, il y en a tous les jours, tout le temps. C'est un fléau qui n'est pas près de disparaître», confirme sa collègue Danielle Richardin, qui est bien placée pour apprécier la situation du guichet où elle est postée.

«On ne peut pas courir après les fraudeurs. S'ils se font attraper ensuite et qu'ils se font donner une amende, c'est leur problème», souligne-t-elle.

Certains des usagers les plus réfractaires au paiement ont décidé de pousser les choses un cran plus loin en se regroupant au sein de «mutuelles de fraudeurs» qui visent à minimiser l'impact de ces amendes.

Le quotidien Le Parisien a souligné la semaine dernière que plusieurs mutuelles de ce type existent dans la région parisienne.

L'une d'elles a été créée l'année dernière par un étudiant de 22 ans, Frédéric, qui a décidé de s'organiser ainsi avec une «bande d'amis».

Justifier la fraude

Le principe est simple: les membres versent chaque mois 7 dans une caisse commune utilisée pour régler les amendes de ceux qui se font prendre.

Les membres, a expliqué le jeune homme au quotidien, doivent éviter certaines stations où des contrôleurs sont souvent présents. «Au bout d'un moment, si on est attentif, on ne se fait jamais prendre», a-t-il indiqué.

Certains organisateurs de mutuelles de ce type donnent à leur action une portée autrement plus politique.

C'est le cas des responsables du Réseau pour l'abolition des transports payants, dont l'acronyme est le même que celui de la société de transport parisien.

Sur son site internet, l'organisation - qui n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse - affirme que la gratuité des transports publics «n'est pas une fin en soi», mais bien une manière de «rompre avec la société marchande» et de se réapproprier «notre liberté de circuler».

Le recours à la fraude est d'autant plus justifié, indique-t-elle, que le coût des tickets rembourse à peine l'infrastructure mise en place pour contrôler les usagers du service.

«De plus, nous payons déjà le ticket par l'entremise des impôts directs et indirects», soulignent les responsables de l'organisation, qui ont mené à quelques reprises des actions dans le métro pour sensibiliser la population à leurs revendications.

Transports gratuits

Les défenseurs de la gratuité des transports publics font valoir que certaines villes françaises, comme Châteauroux, ont déjà instauré la gratuité avec succès. Un responsable a expliqué il y a quelques années que la somme générée par les tickets, représentant 14% du budget total du réseau, avait été remplacée par la hausse d'une taxe imposée aux entreprises.

Sam Amriou, usager du métro parisien croisé à la place de la Bastille, ne s'émeut pas outre mesure de l'existence de mutuelles de fraudeurs. «Je ne suis pas d'accord avec le principe, mais c'est plutôt intelligent», souligne l'homme de 30 ans, qui paie systématiquement son droit de passage.

Il ne s'étonne pas que beaucoup de gens n'en fassent pas autant. «La fraude est un sport national en France. Si on peut éviter de payer quelque chose, on évite», souligne M. Amriou, qui travaille comme consultant auprès de compagnies d'assurances et de... mutuelles.

Danielle Richardin, de la RATP, est moins clémente à l'égard des mutuelles de fraudeurs du métro. «C'est la porte ouverte à tous les abus», conclut-elle.