Des opposants au gouvernement provisoire du Kirghizistan ont pris le contrôle jeudi des sièges des administrations et d'une télévision dans les deux principales villes du sud du pays, laissant craindre de nouvelles violences un mois après une révolution sanglante.

Le chef du gouvernement intérimaire Rosa Otounbaïeva a donné l'ordre dans la soirée d'«arrêter les organisateurs des troubles dans le sud», a indiqué son adjoint Azimbek Beknazarov sur la télévision nationale.

Les manifestants - des partisans du président déchu Kourmanbek Bakiev, ainsi que des ex-gouverneurs des régions de Och et Djalal-Abad - réclament qu'ils reviennent à leurs postes. Le gouvernement provisoire avait limogé les gouverneurs après la révolte d'avril à Bichkek, la capitale, qui a fait 86 morts.

Un porte-parole de la région de Och a indiqué à l'AFP que quelques centaines de personnes avaient pris le contrôle du siège de l'administration dans la matinée, alors que des médias locaux font état de plus de mille personnes.

La radio indépendante Azattyk a rapporté un scénario similaire à Djalal-Abad, le bastion du président déchu. Par ailleurs, une cinquantaine de personnes ont réussi à entrer dans le siège de l'administration de Batken, troisième région du sud du Kirghizistan.

La télévision régionale de Djalal-Abal est aussi sous contrôle des partisans du président déchu, selon son comité de soutien et une militante pour les droits de l'homme, Aziza Abdirassoulova.

La chaîne diffuse depuis jeudi matin une intervention de M. Bakiev depuis Minsk, capitale du Bélarus, où il est exilé, dans laquelle il réaffirme qu'il est le «président légitime».

Selon Mme Abdirassoulova, des manifestants ont «recouvert le tarmac de pierres» à l'aéroport de Djalal-Abad pour empêcher les avions de décoller.

Ce regain de tensions est un nouveau test pour les autorités provisoires, dont l'arrivée au pouvoir avait dès le début suscité la méfiance dans le sud.

Son comité de soutien a par ailleurs annoncé dans un communiqué que 25.000 partisans de M. Bakiev se dirigeaient vers Bichkek pour «régler leurs comptes avec le gouvernement intérimaire».

Face à ces tensions, le ministère bélarusse des Affaires étrangères a rappelé jeudi son ambassadeur à Bichkek et a annoncé que tous les diplomates bélarusses avaient quitté la capitale kirghize.

«Il y a eu une menace pour la vie et la santé de nos collaborateurs de la part des éléments extrémistes que personne ne contrôle», a indiqué le porte-parole du ministère, Andreï Savinykh.

La stabilité de ce pays stratégique est importante pour les États-Unis qui y disposent d'une base militaire essentielle pour l'acheminement des troupes et des matériels en Afghanistan.

Le gouvernement provisoire a fait savoir dans un communiqué que des négociations étaient en cours avec les manifestants, mais son chef, Rosa Otounbaïeva, a prévenu qu'elle «anéantirait les désirs des revanchards».

Les autorités intérimaires ont chargé le ministre de la Défense, Ismaïl Isakov, des négociations avec les manifestants de Och, Djalal-Abad et Batken. Selon la radio Azattyk, il serait déjà dans le sud de cette ex-république soviétique d'Asie centrale.

Le sud du Kirghizistan est considéré par des analystes comme le principal foyer d'opposition au gouvernement provisoire, plus populaire dans le nord du Kirghizistan.