L'Union européenne célèbre dans une atmosphère de crise ce week-end les 60 ans de son acte de naissance, contrainte de repenser le projet de l'euro du fait de la crise grecque et de trouver les ressources pour éviter le déclassement au niveau mondial.

«Il faut à l'Europe un nouvel élan», résume Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Robert Schuman, baptisée du nom de celui qui proposa le 9 mai 1950 la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, ancêtre de l'actuelle Union européenne.

Sa déclaration de l'époque a aussi donné naissance à la «Journée de l'Europe» qui se tient dimanche sur le continent. Une fête au goût amer.

L'un de ses projets phares, l'euro, vacille au point que les dirigeants des seize pays qui l'utilisent ont décidé de se réunir à son chevet en sommet vendredi à Bruxelles.

«Mais où va l'Europe?», demandent le président du Parti socialiste européen, Poul Nyrup Rasmussen, et la responsable des socialistes français, Martine Aubry dans une tribune publiée vendredi par le quotidien Libération.

«La crédibilité de l'Union européenne est en chute libre tant auprès des citoyens que partout dans le monde. La gestion calamiteuse de la crise grecque est un manquement grave. L'Europe doit se ressaisir si elle ne veut pas sortir des radars de l'histoire», préviennent-ils.

Pour remédier à la crise actuelle, les fédéralistes ne voient de salut que dans une plus grande intégration politique du continent, permettant à l'Europe de parler et d'agir d'une seule voix.

Jean-Dominique Giuliani prône «de nouveaux transferts de souverainetés» vers l'UE «dans les domaines les plus réservés des États», comme la politique budgétaire, fiscale ou de la défense.

Mais l'euroscepticisme grandit depuis des années et avec lui les rangs des partisans du retour aux États Nations. Ils prônent le chemin inverse et la tendance risque de s'accentuer si les conservateurs britanniques finissent par venir au pouvoir.

Certes, avec la crise grecque, l'idée chère à la France du «gouvernement économique européen», longtemps taboue en Allemagne, progresse.

Mais après l'accouchement difficile du traité de Lisbonne, il risque de se limiter à une coordination renforcée car les capitales n'ont guère d'appétit pour aller plus loin.

«Ce qui manque aujourd'hui c'est la volonté politique et l'esprit de coopération», a critiqué cette semaine l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors.

Même en Allemagne, jadis élève européen modèle, les intérêts nationaux passent désormais sans complexe au premier rang. Sa Cour constitutionnelle a fixé l'an dernier de strictes limites à toute avancée supplémentaire dans les transferts de souveraineté vers Bruxelles.

Pour le European Policy Center, un centre de réflexion sur les questions européennes, le mal est profond.

L'UE a été un grand succès jusqu'ici avec la consolidation de la paix entre ennemis d'autrefois, la disparition des barrières douanières, l'euro - malgré tout - et l'unification du continent.

«Mais aujourd'hui elle souffre d'un manque d'orientation stratégique» et «sans changement le Vieux continent est condamné à la marginalisation progressive», avertit-il à l'occasion du 60è anniversaire de la déclaration Schuman.

Les responsables européens actuels relèveront-ils le défi? L'ancien conseiller du président français François Mitterrand, Jacques Attali, en doute.

«Monsieur (José Manuel) Barroso est inexistant. Le pouvoir de Monsieur (Herman) Van Rompuy est inexistant. Tout va se jouer dans le couple franco-allemand et dans la capacité du président français et de la chancelière allemande de dire: assez! on passe à l'étape suivante et on intègre davantage», a-t-il dit sur la radio France Inter.