Les législatives britanniques de jeudi sont les plus disputées depuis des décennies: bien placé pour faire tomber Gordon Brown, le conservateur David Cameron risque cependant de ne pas obtenir la majorité absolue qui lui ouvrirait les portes de Downing Street dès vendredi.

Au pouvoir depuis 13 ans, les travaillistes se battent pour décrocher une historique quatrième victoire consécutive. Mais l'impopularité du Premier ministre est telle que leur meilleur espoir d'être reconduit repose sur une coalition avec les libéraux-démocrates.

Le parti centriste a réalisé une percée inattendue dans les sondages, dans la foulée des prestations remarquées de son leader Nick Clegg lors des débats télévisés électoraux.

Les trois partis se tiennent en quelques points dans les intentions de vote, ce qui laisse présager un Parlement sans majorité absolue. Des tractations compliquées pour former le gouvernement en découleraient.

Les Tories sont quasiment assurés de remporter le vote populaire, mais en raison des distorsions liées au mode de scrutin (uninominal à un tour), les travaillistes pourraient arriver en troisième position en voix, et quand même obtenir le plus grand nombre de sièges.

Plus de 44 millions de Britanniques sont appelés aux urnes, mais la bataille se gagnera dans une centaine de circonscriptions serrées, en particulier dans le Nord et les Midlands, où les indécis sont nombreux.

Inquiet de l'attrait exercé sur les électeurs travaillistes par les Lib Dems, Gordon Brown a tenté mardi de les en détourner.

«J'appelle tous ceux qui ont des valeurs réellement progressistes à voter Labour», a-t-il écrit dans une tribune au Guardian, mettant en garde contre le risque de régression sociale sous un gouvernement Tory.

Il a appâté M. Clegg en évoquant une réforme du mode de scrutin qui pourrait servir de base à un accord de coalition. Celui-ci déclarait dans le même temps au Financial Times que l'introduction d'une part de proportionnelle, à laquelle il aspire, n'était pas une «condition préalable» à une alliance.

M. Clegg a toujours entretenu l'ambiguïté quant à son éventuel soutien. Mais son parti est considéré comme plus proche du Labour. Samedi, il avait admis que les deux partis étaient «les deux ailes de la tradition progressiste dans la politique britannique».

Trois ministres travaillistes ont suggéré mardi que les électeurs Labour et Lib Dems votent en faveur du candidat le mieux placé pour faire barrage aux Tories. Cet appel a provoqué des remous au Labour et a été balayé de la main par M. Clegg, qui a incité les gens à suivre leur «instinct».

Ce message témoigne du «désespoir» du Labour, ont clamé les Tories, qui se disent prêts à gouverner seuls s'ils n'obtiennent pas la majorité absolue ou ne parviennent pas à conclure d'alliances.

«Je ne veux pas avoir à passer des accords, parce que ce que je veux, c'est que les Conservateurs aient une majorité claire», a même déclaré à l'AFP David Cameron à l'occasion d'une visite à Belfast. «Ce que je veux, c'est gagner franchement», a-t-il ajouté.

La dynamique leur est favorable selon les dernières enquêtes d'opinion. Lundi, un sondage Ipsos Mori pour Reuters leur donnait une majorité absolue de deux sièges. Et mardi, selon une étude Crosby/Textor pour le Daily Telegraph il ne leur manquait que 14 sièges pour obtenir ce sésame.

Les trois candidats ont poursuivi mardi leur marathon électoral. M. Cameron s'est rendu en Irlande du Nord, pour essayer de séduire les Unionistes qui pourraient l'appuyer. Il fera campagne en continu pendant 24 heures d'ici à mercredi soir.

M. Brown a aussi multiplié ses visites, se rendant notamment au Pays de Galles. Il a souligné qu'il endosserait la «pleine responsabilité» d'un échec du Labour, ce qui a été interprété immédiatement par les médias comme une indication qu'il pourrait démissionner.

Il a subi deux nouveaux revers mardi. Le Financial Times a appelé à voter pour les Tories. Et un candidat travailliste s'est fait remarquer en le traitant de «pire Premier ministre» que le pays ait jamais connu.

Nick Clegg