Le canton de Genève serre la vis en obligeant à partir de samedi les salons de massage, agences d'escorte et prostituées à déclarer en détail leur activité auprès de la brigade des moeurs, une nouveauté qui suscite l'opposition d'une partie de ce secteur, légal en Suisse.

«On a moins de prostituées de rue et plus de prostituées de salon ou par l'intermédiaire d'agences, donc on s'est aperçu qu'il fallait aussi s'occuper de ce mode d'exercice de la prostitution parce que sinon on passait à côté de la moitié des problèmes», explique à l'AFP le secrétaire adjoint du département de la sécurité et de la police du canton de Genève, Nicolas Bolle.

En Suisse, le plus vieux métier du monde est légal tant qu'il est exercé de plein gré, sans contrainte d'un tiers. La prostituée est considérée comme une travailleuse indépendante et paie des impôts.

Genève compte environ 2 900 prostituées déclarées, ainsi que 160 «salons», qui louent à la journée, pour 100 francs suisses en moyenne (100$ canadiens), une pièce avec lit, draps, préservatifs et serviettes aux prostituées faisant le trottoir, et 25 agences d'escorte qui facilitent les rendez-vous à domicile ou à l'hôtel.

«La situation particulière de Genève, qui est à la fois internationale, ville-frontière, économique et commerciale, explique pourquoi on a autant de prostituées», avance M. Bolle. Toutefois, selon l'association d'aide aux prostituées Aspasie, elles sont bien moins nombreuses en raison des départs non déclarés et du fait que nombre d'entre elles ne travaillent pas toute l'année.

La loi prévoit de soumettre salons et agences genevois à une longue liste d'obligations: contrôler si la prostituée possède permis de séjour et autorisation de travail, ou encore enregistrer les arrivées et départs des clients, les prestations fournies et le prix des passes.

Ils doivent aussi vérifier que les prostituées exercent librement et ne sont pas «victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure, ou que l'on ne ne profite pas de leur détresse, ou de leur dépendance».

Dans le quartier genevois des Pâquis, réputé «chaud», l'accueil est mitigé. «Pour nous, ça ne change rien car on devait déjà s'enregistrer à la brigade des moeurs», explique une jeune femme blonde qui attend le client en fumant une cigarette.

«Ca va trop loin», affirme au contraire Daniel C., patron de l'agence Switzescort, qui a déposé un recours devant le Tribunal fédéral contre la nouvelle loi adoptée en décembre 2009 pour «entrave à la liberté commerciale».

«S'attaquer à la prostitution, ça a toujours été politiquement porteur», regrette-t-il: «il peut arriver de temps en temps» qu'il y ait des abus, «mais à ma connaissance ça a toujours été réprimé par la police».

Le patron de Switzescort, qui s'est associé avec le salon Venusia, une maison close de luxe du centre-ville, s'inquiète aussi de la possibilité, nouvelle, pour la police de visiter les lieux à tout moment.

La police «pourra contrôler l'identité de la fille et du client. Vous imaginez, ça arrive deux ou trois fois de suite et on n'a plus qu'à fermer!», s'indigne-t-il.

La nouvelle loi du canton interdit aussi expressément la prostitution des mineures, jusqu'ici possible en vertu d'une bizarrerie du code pénal. En Suisse, l'âge de la maturité sexuelle a été fixé à 16 ans, et comme la prostitution n'y est pas interdite, il est devenu possible aux 16-18 ans de s'y livrer en toute légalité.

Toutefois, selon les autorités, ce phénomène était inexistant à Genève.