Le 19 avril 2005, Joseph Ratzinger est devenu le 265e pape, succédant à Jean-Paul II. Bilan d'un quinquennat entre ombre et lumière.

En 2001, le cardinal Joseph Ratzinger a exigé pour la première fois que soient envoyés à un seul bureau du Vatican - la Congrégation pour la doctrine de la foi, qu'il dirigeait - tous les dossiers concernant des prêtres accusés d'avoir commis des sévices sexuels.

Dans les années qui ont suivi, il a de plus en plus souvent évoqué la «saleté» qui menaçait l'Église, allant même jusqu'à déchirer sa pourpre cardinalice pendant le chemin de croix, juste avant le conclave qui allait l'élire pape, le 19 avril 2005. «Seigneur, ton Église semble une barque sur le point de couler, avait-il clamé. Les vêtements et le visage sales de ton Église nous inquiètent. Mais nous les salissons nous-mêmes. Nous-mêmes te trahissons chaque fois, malgré nos grands discours, malgré nos grands gestes.»

À peine élu, il a emprisonné dans une vie de prière et de méditation le puissant fondateur des Légionnaires du Christ, Marcial Maciel Degollado, parce qu'il avait commis des agressions sexuelles et avait eu un enfant d'une paroissienne. En 2008, lors de son voyage aux États-Unis, il a rencontré personnellement des victimes d'agressions sexuelles, une première pour un pape. Lors du récent scandale qui a secoué l'Irlande, il a ordonné à tous les prêtres et aux évêques du pays de jeûner tous les vendredis pendant un an. Pour la première fois dans l'histoire de l'Église, il a exigé que toutes les allégations soient signalées aux autorités civiles, même si les évêques assimilent leurs relations avec les prêtres à celles qu'ont les parents avec leurs enfants.

Malgré tout, le premier quinquennat de Benoît XVI s'achève sur un déluge d'indignation face à l'Église catholique à la suite de nouveaux scandales sexuels en Allemagne, en Irlande et aux États-Unis. «L'Église catholique parle d'attaques contre elle et oublie les victimes», déplore Raymond Gravel, prêtre dans le diocèse de Joliette. «Les autorités de l'Église doivent faire preuve d'humilité quant aux mauvaises décisions qui ont été prises dans le passé pour protéger les prêtres pédophiles et en négligeant les enfants agressés. Je connais des gens qui apostasient, des intellectuels, parce que l'Église sous Benoît XVI les décourage.»

Le problème, c'est que les médias ne comprennent pas l'obsession du long terme et le contexte du Vatican, et que ce dernier n'arrive pas à l'accepter, selon Bernard Lecomte, ancien vaticaniste du quotidien français La Croix, qui a publié en décembre Pourquoi le pape a mauvaise presse. «L'an dernier a été horrible, avec le négationniste lefebvriste Williamson, la fillette brésilienne, les propos du pape sur le préservatif en Afrique, la béatification de Pie XII et, maintenant, les scandales sexuels. Il y a une lassitude du monde catholique qui est très dangereuse à court terme, même si dans 5 ou 10 ans on se souviendra surtout de Benoît XVI comme du pape qui a été enfin ferme dans le dossier des abus sexuels.»

Thomas Reese, jésuite américain qui a été démis de ses fonctions d'éditeur de la revue jésuite America peu après l'élection de Benoît XVI parce qu'il avait traité trop favorablement du mariage des prêtres, abonde dans son sens. «Le pape est mal entouré au plan de la communication. Mais il est certain qu'il a fait plus que quiconque pour moderniser l'Église au sujet du traitement des agressions sexuelles.»

Et l'avenir? Selon Gilles Routhier, théologien à l'Université Laval, Benoît XVI pourrait fort bien boucler le rapprochement longtemps attendu avec l'Église orthodoxe russe et avec l'Église patriotique de Chine, nommée en parallèle de l'Église catholique par les autorités chinoises. «On pourrait même penser à une rencontre entre le patriarche russe et le pape, dit M. Routhier. Mais à 83 ans peut-on vraiment reprendre l'initiative?»

Tous les experts, y compris le père Gravel, s'entendent par contre pour saluer l'oeuvre écrite de Benoît XVI, notamment sa dernière encyclique sur la doctrine sociale catholique. «En seulement cinq ans, Benoît XVI a réussi à former un corpus parmi les plus impressionnants de tous les papes», affirme Massimo Introvigne, sociologue italien qui a écrit plusieurs livres sur l'Église. «Il a transformé chaque audience du mercredi en occasion de pastorale, avec des textes intéressants, intellectuels et pourtant faciles à lire. Quand on lit le pape, on se sent intelligent.»