Le psychiatre d'un prêtre pédophile catholique allemand, qui avait été accueilli il y a 30 ans dans le diocèse de l'actuel pape Benoît XVI pour y suivre une thérapie, a affirmé vendredi que l'Église avait ignoré ses mises en garde pendant des années.

Brisant le secret médical, le neurologue et psychanalyste Werner Huth raconte dans l'édition en ligne du Süddeutsche Zeitung avoir déconseillé très tôt à l'archevêché de Munich-Freising de laisser le prêtre H. travailler au contact d'adolescents.

Condamné pour pédophilie en 1986, ce prêtre a été suspendu lundi pour avoir enfreint l'interdiction de s'occuper de jeunes. Il avait été accueilli en 1980 dans le diocèse du pape actuel, alors cardinal Joseph Ratzinger, malgré les soupçons qui pesaient déjà sur lui et à condition qu'il suive une thérapie.

Au plus tard en 1985, alors que Josef Ratzinger est cardinal à Rome, l'archevêché obtient un avis médical de 60 pages du docteur Huth qui conclut: «je considère qu'il est exclu qu'on laisse le père H. travailler encore avec des adolescents», selon Süddeutsche Zeitung.

Les autorités diocésaines «ne doutent pas que M. Huth dit la vérité», ajoute le quotidien munichois.

Il y a une semaine, au moment de la révélation de l'affaire, l'archevêché avait affirmé que «les avis du psychologue traitant avaient été vraisemblablement déterminants» dans sa décision d'offrir au prêtre de nouvelles affectations, qualifiée de «grave erreur».

En 2008, l'archevêché de Munich-Freising avait demandé une nouvelle expertise à un autre spécialiste qui avait jugé que le prêtre était entièrement apte à remplir des fonctions ecclésiastiques. Faisant fi de cet avis positif, les autorités diocésaines avaient fini par interdire au prêtre de travailler avec des jeunes et l'avaient cantonné à des fonctions d'aumônier pour les vacanciers.

Le prêtre, identifié par la presse allemande comme Peter Hullermann, «était narcissique comme beaucoup de pédophiles»; il «manquait de capacité d'introspection» et «n'avait guère le sentiment de devoir changer», décrit le psychiatre qui l'a suivi de 1980 à 1992.

En thérapie de groupe, «il n'était pas vraiment intégré, il ne venait pas par conviction mais parce qu'il sentait la pression de ses supérieurs», ajoute le médecin dans le Süddeutsche Zeitung.

De novembre 1986 à octobre 1987, le prêtre H. a officié en tant qu'abbé dans une maison de retraite avant d'être nommé abbé puis administrateur du conseil paroissial dans la commune bavaroise de Garching.

L'Église catholique allemande s'est engagée à faire toute la lumière sur une série de révélations d'abus sexuels commis il y a des décennies dans plusieurs de ses établissements scolaires.