Ils «font tout» en France, tous ces petits boulots précaires à bas salaire dont personne ne veut. Et ils en ont marre de se faire dire que le pays pourrait se passer d'eux. Hier, les immigrés en France ont choisi de chômer pour sensibiliser la population à leur cause.

Des milliers de personnes ont suspendu leur travail ou leurs achats en France, hier, à l'occasion d'une «journée sans immigrés» qui vise à contrer «la logique de stigmatisation en marche» dans le pays.

Les participants à cette journée de boycottage symbolique de l'économie se sont réunis sur la place publique dans une demi-douzaine de villes pour faire entendre leurs préoccupations.

C'était le cas notamment à Paris, où plusieurs centaines de personnes ont convergé en milieu de journée vers l'hôtel de ville sous le regard attentif des forces antiémeute.

«C'est nous qui faisons tout, ici. Dans le bâtiment, pour un petit salaire. Dans l'entretien ménager, pour un petit salaire aussi», souligne Mamadou Fidibé, ressortissant malien qui se dit menacé d'expulsion par les autorités.

«Ça fait neuf ans que je suis en France. Qu'est-ce que je vais faire si je retourne en Afrique?» demande l'homme de 33 ans. Selon lui, les trois quarts des Français n'apprécient pas les immigrés.

Anne, une militante qui vient en aide aux immigrés, est venue manifester parce qu'elle s'inquiète du durcissement des mesures gouvernementales.

«Que ce soit pour les papiers ou le travail, les immigrés rencontrent de plus en plus d'obstacles. Et ça semble être une tendance européenne», souligne-t-elle, en évoquant les risques de dérapage. «On a vu des actions violentes en Espagne et en Italie contre des immigrés. J'espère qu'on n'en arrivera pas là.»

Un début

La journée a été organisée par un collectif d'immigrés, d'enfants d'immigrés et de citoyens «conscients de l'importance de l'immigration en France». Tous se disent outrés par les dérapages d'élus et la tournure du débat sur l'identité nationale.

«Il nous a semblé qu'il était peut-être temps de dire stop», souligne en entrevue l'un des instigateurs du mouvement, Luc Ngwé, qui vit en France depuis une vingtaine d'années.

Le militant d'origine camerounaise déplore que «les immigrés et leurs enfants ne soient toujours pas considérés comme des citoyens à part entière» et s'inquiète de l'émergence d'un véritable clivage avec le reste de la population.

Plusieurs associations antiracisme ont appuyé la journée d'action lancée par le collectif, qui compte près de 70 000 membres sur son site Facebook.

«Nous sommes au début d'un grand engagement. Ça ne va pas s'arrêter là», a déclaré M. Ngwé, qui se réjouit de placer la question de l'importance de l'apport des immigrés au coeur de l'actualité.

L'initiative, qui s'inspire d'une journée de mobilisation tenue par la communauté latino-américaine aux États-Unis, en 2006, suscite en ligne beaucoup de commentaires d'appui et quelques dénonciations virulentes. Un internaute, dénommé Nicolas, accuse sur Facebook les membres du collectif d'être des «racistes qui crachent sur la France».

Le Bloc identitaire, formation d'extrême droite, a ironiquement proposé de partager avec le collectif son «savoir-faire» en matière de mobilisation populaire. L'offre, soulignent ses dirigeants, vise à souligner que «ce rêve d'une France sans immigrés, devenu réalité un jour de l'année, est réalisable 365 jours par an».