Les critiques se multiplient contre l'uniformité des médias en Géorgie, en particulier la télévision qui apparaît soumise au pouvoir, ternissant un peu plus la réputation de Mikheïl Saakachvili, porté à la présidence par une révolution populaire en 2003.

Les autorités géorgiennes se livrent «à des manipulations constantes des médias, en particulier la télévision», déplore ainsi Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), dans un rapport publié cette semaine.

Et d'ajouter: «La manipulation des médias a terni la réputation de démocrate» de M. Saakachvili, dirigeant pro-occidental qui a incarné le rêve démocratique en ex-URSS après avoir chassé du pouvoir le président Edouard Chevardnadzé, ancien apparatchik et ministre des Affaires étrangères soviétique, accusé de fraudes électorales.

Ces accusations interviennent alors que les autorités de Tbilissi aiment présenter leur pays comme un espace de liberté en comparaison à la Russie, son adversaire de la guerre d'août 2008.

D'ailleurs, lundi à Paris s'ouvre un procès intenté par Perviy Kavkazky, qui se présente comme la «première chaîne géorgienne russophone du Caucase hors du contrôle du Kremlin», contre le groupe européen Eutelsat qu'elle accuse de l'avoir privée de retransmission par satellite sous la pression de Moscou.

M. Saakachvili a reproché à Eutelsat de créer «un dangereux précédent de censure politique internationale» et déclaré dans un discours prononcé cette semaine à Londres que son gouvernement «s'engageait à respecter la liberté de la presse».

Mais selon l'ONG Transparency International, «les médias géorgiens sont aujourd'hui moins libres qu'avant la Révolution de la rose», en référence au mouvement populaire qui a porté le président géorgien au pouvoir.

Les chaînes télévisées sont particulièrement critiquées pour leur manque de pluralisme, alors que les Géorgiens s'informent à 96% par la télévision, observe Transparency.

Les deux chaînes privées Roustavi-2 et Imedi, qui totalisent à elles seules les deux tiers de l'audience, sont pro-Saakachvili et accordent très peu de place à l'opposition, selon les critiques.

Lors de la présentation par l'Union européenne à l'automne dernier d'un rapport sur la guerre de 2008, ces chaînes ont «soit passé sous silence ses conclusions, soit mentionné uniquement les faits qui étaient favorables à la partie géorgienne», analyse notamment le CPJ.

Et les critiques déplorent aussi la structure opaque d'Imedi et Roustavi-2. Cette dernière est ainsi détenue en majorité par une société offshore, Degson Limited, enregistrée dans les îles Vierges (archipel des Petites Antilles), dont les actionnaires sont inconnus.

Les 30% restants sont aux mains de l'homme d'affaires géorgien David Bejouachvili, un parlementaire du parti au pouvoir de M. Saakachvili, qui est aussi le frère du chef des renseignements géorgiens.

De son côté, Imedi est dirigée par Guiorgui Arveladzé, un ancien ministre de l'Economie et ex-chef de l'administration présidentielle.

Cependant, le président géorgien se plaît à répéter que la Géorgie compte plus d'une vingtaine de chaînes de télévision, dont certaines sont très critiques à l'égard du gouvernement.

Mais ses détracteurs soulignent que les deux principale chaînes d'opposition -Kavkasia et Maestro- ne peuvent être réceptionnées que dans la capitale et totalisent ensemble une part de marché inférieure à 7%.

«Les autorités ont un monopole sur les médias et il n'y a pas d'indépendance éditoriale», estime l'opposant David Gamkrelidzé, qui dirige le Parti des nouveaux droits. Et d'ajouter: «La liberté de parole était beaucoup plus grande avant la Révolution de la rose».