Laura Zerguini, qui étudie au lycée Guillaume-Apollinaire, n'avait pas cours hier pour cause de... violence scolaire.

Depuis deux jours, les enseignants de l'établissement qu'elle fréquente à Thiais, en banlieue sud de Paris, refusent de reprendre le travail parce qu'ils estiment que leur sécurité et celle des élèves ne sont pas assurées.

Lundi, une demi-douzaine de jeunes ont fait irruption dans un gymnase, en plein cours, et s'en sont pris à un élève, qu'il sont frappé et coupé avec un cutter avant de prendre la fuite.

 

«Ils avaient des cagoules et des foulards pour masquer leur visage... S'ils sont venus une fois, ils peuvent revenir. Je ne me sens pas en sécurité», dit Laura Zerguini, rencontrée hier devant le lycée.

«C'est facile d'entrer puisque les surveillants ne sont pas très regardants sur les carnets d'identité. Ils regardent à peine les photos», souligne-t-elle.

Pendant qu'elle nous parle, quelques dizaines d'adolescents se tiennent devant l'entrée du bâtiment, surveillé par la police.

«Des surveillants, pas des figurants», «Les caméras ne nous protègent pas», «Lycéens et profs ensemble», clament des affiches posées à l'attention des quelques équipes de télévision présentes.

Mort poignardé

Une conseillère pédagogique croisée un peu plus loin précise que le personnel est partagé sur l'opportunité de reprendre le travail.

«Ce n'est pas un lycée à problèmes», souligne l'employée, qui préfère taire son nom.

Selon elle, l'agression de lundi est un règlement de comptes. Les autorités policières, qui ont interpellé hier trois jeunes, dont deux mineurs, en relation avec l'affaire, ont déclaré que l'agression découle d'une vieille rivalité entre des locataires de HLM voisins.

Il s'agit de la troisième agression grave à survenir en banlieue parisienne depuis le début de l'année.

Il y a 10 jours, un élève de 14 ans d'un lycée de Vitry-sur-Seine, non loin de Thiais, a été agressé par un groupe de jeunes qui s'étaient introduits sans autorisation dans l'établissement. Le personnel, évoquant son «droit de retrait», a refusé d'enseigner pendant deux semaines dans l'espoir d'obtenir plus de surveillants.

Au début du mois de janvier, un autre jeune, âgé de 18 ans, est mort poignardé après avoir voulu s'interposer entre sa soeur et un élève qui la harcelait.

Pour protester contre l'insécurité, plusieurs centaines d'enseignants ont manifesté mardi à Paris. Une autre manifestation est prévue aujourd'hui afin de faire pression sur le gouvernement.

Aucune augmentation

Le ministre de l'Éducation, Luc Chatel, a déclaré à la suite de l'agression survenue à Thiais qu'il était «intolérable que des règlements de comptes se déroulent pendant le temps scolaire».

«L'école ne doit pas devenir le terrain de jeu des bandes», a souligné l'élu, qui a décidé de convoquer début avril des «états généraux de la sécurité» pour faire le point sur la situation.

M. Chatel promet d'emblée d'accélérer le processus «de sanctuarisation des établissements», qui doivent tous faire l'objet d'une évaluation sécuritaire avant la fin de l'année.

Selon un nouveau sondage, la population française est largement convaincue que la violence en milieu scolaire augmente. Pas moins de 93% des répondants sont d'avis qu'un renforcement du personnel de sécurité s'impose.

La sociologue Cécile Carra, qui s'intéresse depuis longtemps au phénomène de la violence en milieu scolaire, relève dans une entrevue au site Rue89 que les statistiques les plus fiables n'indiquent aucune augmentation du nombre d'agressions.

«Depuis 1994, date à laquelle les pouvoirs publics et les médias commencent à s'en emparer, la violence scolaire est stable», insiste l'analyste.