La campagne pour la présidentielle s'est achevée dans un climat tendu vendredi en Ukraine, laissant craindre des manifestations à l'issue du scrutin qui s'annonce serré dimanche.

L'opposant pro-russe Viktor Ianoukovitch et le premier ministre Ioulia Timochenko ont rassemblé leurs supporters à Kiev avant de prendre une dernière fois la parole sur les plateaux de télévision, la campagne s'arrêtant à minuit (17h00 HNE).

«L'Ukraine a des défis compliqués devant elle. Je demande à Dieu de nous donner de la sagesse et je lui demande pardon pour tous les actes injustes et malhonnêtes commis par le pouvoir que je représentais aussi», a dit Mme Timochenko, en manteau blanc, pendant une prière collective devant quelques centaines de ses partisans sur la Place Sainte-Sophie.

À quelques centaines de mètres de là, un concert pop était donné en l'honneur de son rival, qui l'a distancé de dix points au premier tour. Des centaines de participants brandissaient des drapeaux bleus sur lesquels était écrit «Ianoukovitch notre président».

Ces derniers jours, les candidats se sont accusés mutuellement de préparer des fraudes électorales et Mme Timochenko a brandi la menace de manifestations massives.

En cas de falsifications, «nous allons sans aucun doute appeler les gens à descendre dans la rue», a-t-elle déclaré jeudi.

Son rival a rejeté ces accusations et relativisé la menace de Mme Timochenko, estimant qu'elle se comportait déjà en perdante. «Les gens normaux n'iront pas» manifester, a commenté M. Ianoukovitch.

Frappée de plein fouet par la crise économique mondiale, «l'Ukraine a besoin de pain et non d'une révolution», a renchéri vendredi une de ses proches, la députée Ganna Guerman.

La précédente présidentielle en 2004 déboucha sur un soulèvement pacifique pro-occidental, baptisé Révolution orange, dont Mme Timochenko fut l'égérie. Des centaines des milliers d'Ukrainiens manifestèrent alors contre la «victoire» de M. Ianoukovitch, finalement invalidée pour fraudes.

À l'avant-veille du scrutin de dimanche, l'opinion semblait avant tout soucieuse d'en finir avec l'instabilité politique qui a miné le pays ces dernières années, sous la présidence de Viktor Iouchtchenko, héros de la Révolution orange, sans trop attendre de l'élection elle-même.

Cristallisant les inquiétudes, M. Iouchtchenko, battu au premier tour de la présidentielle le 17 janvier, a appelé les forces de l'ordre à se mobiliser pour «couper court à toute manifestation de terrorisme».

«Assurer le déroulement des élections en conformité avec la loi, cela veut dire éviter une grande confrontation sociale et politique», a souligné le président sortant, cité par son service de presse.

La presse ukrainienne se perdait pour sa part vendredi en conjectures sur la possibilité de vastes manifestations après le vote, plus vraisemblables si l'écart entre les finalistes s'avère mince.

«Ni le bloc Timochenko, ni le Parti des régions (de M. Ianoukovitch) ne reconnaîtront leur défaite à la présidentielle», estime l'hebdomadaire Weekly Ua, selon lequel «la confrontation risque de dégénérer en bataille rangée».

«Des protestations (du camp Timochenko) sont possibles, même si l'écart s'avère supérieur à 5%», a renchéri le quotidien Segodnia proche de M. Ianoukovitch, en citant une source au sein du bloc Timochenko.

Le vice-ministre de l'Intérieur, Iouri Loutsenko, a affirmé de son côté que le Parti des régions de M. Ianoukovitch avait fait venir 2000 anciens officiers de l'armée et des forces de l'ordre dans la région de Kiev.

«Ils planifient d'organiser de grands rassemblements à Kiev ou cherchent à paralyser les activités de structures administratives», a-t-il dit cité par Interfax Ukraine.