Des tonnes de gravats obstruent encore les rues de L'Aquila dix mois après le tremblement de terre qui a fait 299 morts dans cette ville du centre de l'Italie, empêchant le retour de ses habitants dans le centre historique, devenu une véritable ville morte.

Quatre millions de tonnes de gravats doivent encore être évacuées et l'objectif pour 2010 est d'en extraire un million. «Le problème est que ces gravats sont considérés comme des déchets et doivent être évacués en respectant certaines règles», explique à l'AFP Eugenio Carlomagno, cofondateur du Comité de sauvegarde de la vieille ville, forte de 2 000 membres. «Il y a des blocages bureaucratiques», précise-t-il.

En attendant, des échafaudages de bois et de métal soutiennent les trésors d'architecture qui ornent le centre médiéval de la ville, destiné selon les experts à rester une zone en chantier pour les dix prochaines années.

Quant aux habitants, ils doivent prendre leur mal en patience.

«Il y a juste besoin de travaux de maçonnerie et de plomberie dans ma maison», raconte Patricia Colaci, une obstétricienne qui fait partie des dizaines de personnes vivant encore dans trois hôtels en périphérie de la ville.

Tout en se présentant comme une fervente supporter du chef du gouvernement Silvio Berlusconi, elle avoue que sa patience est à bout: «Le travail aurait déjà dû être fait, ils ont eu assez de temps, (habiter à l'hôtel) représente un grand gaspillage».

Des milliers d'autres habitants vivent dans des hôtels sur la côte adriatique, mais plus personne n'est logé dans des tentes depuis fin novembre.

En septembre, les premières maisons en dur ont été livrées dans un grand déploiement médiatique par Silvio Berlusconi aux habitants du village martyre d'Onna, proche de L'Aquila, dont la population a été décimée par le séisme.

Selon la protection civile, 30 000 personnes ont par ailleurs quitté la région, rappelle M. Carlomagno, qui note aussi que 70% des appartements du centre historique étaient des résidences secondaires appartenant notamment à des Romains. L'Aquila est à une heure de voiture de la capitale.

«L'Aquila deviendra une ville-dortoir avec les habitants qui vivent dans des maisons neuves en périphérie, tandis que le centre-ville se limitera aux administrations et aux monuments», se désole-t-il.

10 ans de travaux

Lors d'une visite du centre dévasté, un responsable de la protection civile, Enzo Ariu, semble donner corps aux craintes des habitants en confirmant que les travaux de rénovation prendront au moins une décennie et qu'une partie du centre pourrait rester en ruines en mémoire du séisme.

«Ce serait un peu comme Pompéi, dans un certain sens», ajoute-t-il, en soulignant que la priorité sera donnée à la reconstruction des «sites politiquement sensibles, des monuments symboles de l'Aquila», comme la basilique.

«Dix ans d'attente, c'est trop long, et il n'y pas de véritable plan pour la ville», commente M. Carlomagno, qui déplore en outre la déformation des faits par les médias.

Il cite l'exemple de deux magasins ouverts en lisière du centre pour protester contre le lenteur des travaux : une chaîne de télévision les a présentés comme un symbole de la renaissance de la ville.