Mohamed Barakeh, un député arabe israélien, fervent antisioniste, s'est rendu pour la première fois à Auschwitz, pour le 65e anniversaire de la libération du camp d'extermination nazi, afin de «se rendre compte sur place de ce qu'a été la Shoah».

Le chef du Parti Hadash (communiste), dont les membres sont arabes et juifs, fait officiellement partie d'une délégation de 13 députés israéliens venus participer aux commémorations à Auschwitz-Birkenau (sud de la Pologne).

«En tant qu'homme, je participe de toutes les souffrances de l'humanité. Je suis ici en Pologne pour la première fois, et j'éprouve un sentiment de déchirement. Je suis venu pour entendre les cris de ceux qui ont disparu à Auschwitz», a dit mercredi M. Barakeh à la radio israélienne.

C'est la première fois qu'un député arabe israélien se rend à Auschwitz à l'occasion de la journée internationale de la Shoah le 27 janvier.

Sa présence a suscité des controverses. Avant son départ, Danny Danon, un député du Likoud (droite), le parti du premier ministre Benjamin Netanyahu, avait souhaité qu'on «empêche Barakeh de se rendre à Auschwitz avec une délégation officielle pour ne pas lui offrir une tribune lui permettant de comparer Israël au nazisme».

Mais un autre député du Likoud, Carmel Shama, qui fait partie de la délégation, a estimé que «c'est l'intérêt d'Israël que tout le monde se rende à Auschwitz, surtout les antisionistes».

«Je ne comprends pas les critiques. Je suis choqué que les gens soient surpris de ma visite. J'ai combattu le racisme toute ma vie. La Shoah est le drame le plus tragique de l'Histoire moderne», a déclaré à l'AFP Mohamed Barakeh, très ému.

«Je reste sans mot», a-t-il commenté à Birkenau sous la neige, devant les restes d'un crématorium, après avoir visité un bloc et écouté le récit d'un rescapé.

La question de l'enseignement de la Shoah aux Arabes israéliens est l'objet de vifs débats en Israël depuis des années.

Un sondage de l'Université de Haïfa (nord), réalisé en 2007, montrait que 28% des Arabes israéliens pensent que la Shoah est un «mensonge».

La majorité des écoles israéliennes envoient leurs élèves participer à un voyage en Pologne durant leur scolarité mais quasiment aucune école arabe.

Certains Arabes israéliens ont pris des initiatives privées ces dernières années, comme un habitant de Nazareth (nord), la plus grande ville arabe d'Israël, qui a créé un musée local de la Shoah en 2008 avec l'aide du Mémorial de Yad Vachem à Jérusalem.

L'année précédente, une délégation d'Arabes israéliens s'était rendue à Auschwitz sous la direction d'un curé de Nazareth.

Mais la visite de Mohamed Barakeh revêt une importance particulière car elle s'inscrit dans le cadre d'une délégation officielle de l'État hébreu dont le député communiste est un virulent critique, qui accuse souvent les autorités israéliennes de «discrimination envers la population arabe».

«Pour moi, le droit du peuple juif à l'autodétermination ne procède pas de la Shoah, et ce qui est arrivé aux Arabes en 1948 (la création d'Israël: ndlr) ne doit pas être lié à la Shoah. Ici, nous avons avant tout un devoir de deuil», a-t-il confié à la radio.

La communauté arabe israélienne, qui compte 1,5 million de personnes (20% de la population totale), rassemble les descendants de 160 000 Palestiniens restés sur leurs terres après la création de l'État hébreu en 1948. Elle est représentée par 11 députés à la Knesset.

Les Arabes israéliens accusent le gouvernement de politique discriminatoire, se plaignant d'être les laissés-pour-compte de la société israélienne avec un taux de chômage et de pauvreté élevés.

L'un des contentieux porte sur la confiscation des terres, les autorités ayant saisi la quasi-totalité de celles des municipalités arabes pour y installer des immigrants juifs.