Tel qu'on pouvait le prévoir, le débat sur le port du voile intégral tourne à une relative confusion en France. Et les conclusions de la mission parlementaire de 32 députés, rendues publiques hier matin, n'ont pas clarifié le débat. La quasi-totalité des députés français est hostile au port de la burqa et du niqab, qui concernerait aujourd'hui 1900 femmes.

Mais la gauche et la droite sont profondément divisées sur l'attitude à adopter: faut-il se contenter d'une condamnation solennelle du Parlement au nom de l'égalité des sexes? Ou au contraire adopter une loi interdisant sous peine d'amende le voile intégral dans tous les lieux publics? Et, dans ce cas, une telle loi serait-elle applicable... et constitutionnelle? Faut-il se contenter d'interdire, par voie réglementaire, le voile intégral dans les services publics et étendre cette interdiction aux transports en commun?

 

Entre la réprobation morale du voile intégral - exprimée par 62% des Français, selon un sondage -, son interdiction totale de fait par voie législative, et finalement l'application de cette interdiction, toutes les options sont ouvertes, aucune n'est satisfaisante, et la question de la burqa se révèle un véritable casse-tête.

Après 6 mois de travaux et 200 auditions, la mission parlementaire, coprésidée par le député communiste (et franc-tireur) André Gerin et le député de droite Éric Raoult, a dû se contenter d'un consensus a minima, d'ailleurs adopté de justesse à une voix de majorité.

Interdiction totale écartée

L'interdiction absolue de la burqa et du niqab en public a été écartée, même si une forte minorité de la commission y était favorable. La majorité s'est ralliée au point de vue de la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, qui avait mis en garde lundi contre une loi «qu'on ne serait pas en mesure d'appliquer».

Comment un texte pourrait-il définir avec précision l'interdiction de se promener dans la rue avec «le visage couvert», comme le souhaitaient aussi bien le communiste André Gerin, le socialiste Manuel Valls ou près de 200 députés UMP (droite) suivant dans cette voie leur leader parlementaire Jean-François Copé? Comment par ailleurs empêcher le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne de justice de faire casser une telle législation au nom des libertés individuelles?

Profondément divisée, la mission parlementaire s'est donc contentée, d'une part, de proposer, quelque part au printemps, une déclaration solennelle du Parlement selon laquelle «c'est toute la France qui dit non au voile intégral». Et d'autre part de prendre les mesures pour interdire de fait cette pratique dans les services publics: mairies, hôpitaux, sorties des écoles, administrations... et peut-être les transports publics, même si beaucoup jugent cette dernière disposition inapplicable.

La proximité des élections régionales des 14 et 21 mars prochains, au cours desquelles la droite est menacée d'une vraie déroute, n'est pas étrangère à cette agitation politique. Déjà le leader parlementaire socialiste Jean-Marc Ayrault a prévenu qu'il ne se rallierait à aucune mesure sur la burqa si, au préalable, le gouvernement ne mettait pas un terme définitif au «débat» (dans les préfectures) sur «l'identité nationale», considéré également comme une manoeuvre électorale destinée à courtiser l'électorat d'extrême droite.