Après avoir laissé entendre sur toutes les tribunes que la burqa serait bientôt chose du passé en France, le gouvernement recule.

Plutôt que de préconiser l'interdiction pure et simple du «voile intégral», la mission parlementaire qui planchait sur le sujet depuis des mois opte pour une approche plus restreinte.

Dans un rapport très attendu remis mardi, au terme de 200 auditions, la mission recommande l'adoption d'une résolution parlementaire qui proclamerait: «c'est toute la France qui dit non au voile intégral et demande que cette pratique soit prohibée sur le territoire de la République».

Cette résolution -une déclaration solennelle non contraignante- est la première d'une série de «18 propositions», appelant à «adopter une disposition interdisant de dissimuler son visage dans les services publics». Elle ne propose cependant pas de loi «générale et absolue», faute de consensus politique.

La mission reconnaît ainsi n'avoir pas été en mesure de proposer une interdiction dans tout l'espace public, c'est-à-dire aussi dans la rue.

Les élus espèrent éviter, en limitant la portée de la loi et en évoquant des aspects de sécurité plutôt que de dignité humaine, un éventuel désaveu par le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l'homme. Les femmes qui contreviennent à l'interdiction se verraient refuser les services demandés, mais ne seraient pas soumises à une sanction pénale.

«Prison ambulante»

La mission sur la burqa avait été lancée l'été dernier après qu'un élu communiste, André Gérin, eut fait une sortie publique très remarquée sur le sujet, parlant d'une «prison ambulante en tissu» qui est «totalement inacceptable sur le sol de la République française».

Ses propos ont rapidement trouvé un écho jusqu'aux plus hauts échelons de l'État. Lors d'un important discours, en juin, le président Nicolas Sarkozy a donné son imprimatur aux tenants de l'interdiction en relevant que la France «ne pouvait accepter (...) des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité».

Une étude menée par la police a estimé à 200 le nombre de personnes portant la burqa en France tandis que le ministère de l'Intérieur avance un chiffre de 2000.

Le Conseil français du culte musulman, citant le caractère «marginal» d'une pratique vestimentaire qui n'est aucunement prescrite par le Coran, accuse les élus de vouloir stigmatiser «l'islam et les musulmans».

Des élus de gauche ont accusé le gouvernement de mener ce débat pour courtiser l'électorat de droite en prévision des élections régionales de mars.

Les médias français font pour leur part leurs choux gras des discussions. Hier, le quotidien Le Parisien a présenté bien en vue le témoignage d'une artiste parisienne de 40 ans qui s'est promenée pendant un mois avec une «burqa» improvisée.

«Sous la burqa, il n'y a plus d'interaction possible avec les autres, on se prend leur agressivité sans pouvoir les calmer, les adoucir», a déclaré l'artiste en question, Bérangère Lefranc, qui trouve une loi d'interdiction «inadaptée» au problème.

Plusieurs débordements

Les intellectuels rivalisent de théories pour expliquer le phénomène. Dans les pages du quotidien Le Monde, le philosophe Abdennour Bidar se demandait ainsi il y a quelques jours s'il ne faut pas voir la burqa comme une manifestation «souffrante» du besoin de l'individu contemporain de «s'arracher à l'uniformité ambiante».

La question est d'autant plus sensible que le gouvernement a lancé, en marge des travaux de la mission parlementaire, un houleux débat sur l'identité nationale. L'exercice, toujours en cours, a donné lieu à plusieurs débordements à caractère raciste, y compris de membres de la majorité gouvernementale.

Il n'en demeure pas moins un succès, répète à qui veut l'entendre le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Éric Besson.

«Les grandes aspirations qui remontent de ce débat, c'est un besoin de respect mutuel, d'échanges et de civisme», a souligné l'élu, qui doit présenter sous peu son bilan au président français.

- Avec l'AFP