L'opposant pro-russe Viktor Ianoukovitch retrouvera sa vieille rivale Ioulia Timochenko le 7 février pour un deuxième tour de scrutin présidentiel qui s'annonce serré en Ukraine, après l'élimination dimanche du président sortant et héros de la Révolution orange Viktor Iouchtchenko.

Favori de longue date, M. Ianoukovitch obtient sans surprise le meilleur score, estimé à entre 32 et 35% des voix, selon deux sondages de sortie des bureaux de vote rendus publics dimanche soir.

Il apparaît donc à même de prendre sa revanche sur ceux qui l'avaient humilié en 2004 en obtenant son éviction de la course pour cause de fraude lors du vaste mouvement populaire resté dans l'Histoire sous le nom de Révolution orange: mené par M. Iouchtchenko et Mme Timochenko.

Mais le deuxième tour paraît tout sauf joué d'avance. Le premier ministre Ioulia Timochenko, créditée de 26 à 27% de voix et connue pour sa combativité, n'aura qu'un écart relativement faible à combler pour revenir à hauteur de son concurrent.

«Si l'écart est inférieur à 10%, les chances de Timochenko augmentent sérieusement», estime Igor Jdanov, analyste du Centre analytique «Politique ouverte».

«Nombre de candidats étaient actifs dans son champ électoral, dispersant les voix des électeurs orange. Et si l'écart est de plus de 10 points, Ianoukovitch a des chances sérieuses de remporter le deuxième tour», ajoute l'analyste. Or les sondages de sortie des bureaux de vote prédisent un écart de cinq à neuf points.

Mme Timochenko a aussi fait sienne cette analyse lors de sa première apparition publique à son quartier général après l'annonce des résultats: «M. Ianoukovitch, qui représente les cercles criminels, n'a aucune chance» au second tour, a-t-elle lancé.

L'intéressé ne s'est pas exprimé immédiatement mais l'un de ses barons, Nestor Choufritch, s'est félicité qu'«un point final ait été mis aujourd'hui au pouvoir orange (...) Et, autre événement important, Viktor Iouchtchenko quitte le bazar politique».

De fait, la pilule est amère pour le président sortant, éliminé dès le premier tour avec seulement 6% des voix.

Ses compatriotes ne faisaient pas mystère ces derniers mois de la profonde déception qu'ils ressentaient à l'issue de sa présidence, notamment en matière de lutte contre la corruption. Ils désapprouvaient aussi les crises politiques à répétition qui l'opposaient à Mme Timochenko, son ancienne alliée orange devenue rivale numéro un et les tensions avec Moscou.

La troisième place revient à l'ex-banquier Sergui Tiguipko, qui a récolté 13% des suffrages et la quatrième à Arseni Iatseniouk (7 à 8%).

M. Tiguipko, désormais en position de faiseur de roi, a annoncé qu'il ne donnerait pas de consignes de vote.

Quel que soit le vainqueur, il n'aura pas la partie facile pour relever un pays en mal de stabilité politique et sous perfusion financière du Fonds monétaire international (FMI) depuis un an.

Après avoir tourné le dos à Moscou sous M. Iouchtchenko, l'Ukraine devrait en revanche revenir à une politique «d'équilibre d'intérêts» entre l'Occident et la Russie, estiment de nombreux analystes.

Les deux candidats sortis en tête dimanche prônent un rapprochement avec l'UE -même si la porte de l'adhésion n'est pas pour l'heure ouverte- tout en ménageant Moscou. Ils sont aussi tous deux opposés à une adhésion à l'OTAN, un des chevaux de bataille de M. Iouchtchenko.

La participation a atteint 67%, selon des chiffres provisoires. Les premiers résultats officiels sont attendus lundi à 08H00 GMT.

Le vote s'est déroulé globalement dans le calme, à l'exception d'une polémique sur des observateurs géorgiens à Donetsk, fief électoral de M. Ianoukovitch.