Le froid intense et les intempéries des dernières semaines n'ont pas fait que des ravages à l'économie britannique: 31 personnes ont péri. Le sort de deux victimes en particulier attriste le pays, celui de Derek et Jean Randall, morts dans le froid et l'isolement. Des décès qui mettent à nu les failles du système britannique.

Des rideaux sales. Une toiture délabrée. Des cadres de fenêtres pourris. La maison en décrépitude de Derek et Jean Randall est devenue un symbole funèbre de la vague de froid qui sévit depuis plus de deux semaines. Et un témoin d'un malaise social.

 

Les septuagénaires sont morts de froid la semaine dernière à Northampton, en banlieue de Londres. Ils ont été retrouvés sans vie jeudi. L'homme de 76 ans gisait dans le couloir. Jean, 79 ans, était alitée. La dame se déplaçait en fauteuil roulant. Son mari, son seul aidant naturel, subvenait à tous ses besoins.

C'est Landa Kaceli, une voisine de 33 ans, qui a alerté la police. Elle n'avait pas vu le couple depuis son retour de vacances le 3 janvier dernier et craignait le pire.

«Je les voyais chaque jour, surtout Derek, dit Mme Kaceli. Je croyais qu'ils étaient à l'hôpital, car leur santé déclinait depuis l'automne. J'ai fini par regarder à travers la fente à courrier. Et c'est là que j'ai vu le corps de Derek sur le sol.»

Un ange passe. Des larmes montent aux yeux de la mère de trois enfants. «C'est tellement injuste! C'est une mort horrible. Quelqu'un aurait dû faire quelque chose. Moi-même, j'aurais pu appeler l'ambulance quand j'ai vu Derek en décembre. Il était frêle et avait dû mal à marcher.»

La triste fin de ce couple âgé provoque des remous jusqu'au Parlement britannique. Les voisins et la députée de la circonscription, Sally Keeble, sont furieux de l'inaction des services sociaux. Derek et Jean Randall étaient sans enfant depuis la mort de leur fils handicapé, David, il y a 30 ans. Ils s'étaient par la suite isolés de leur famille.

Cri d'alarme

M. Randall avait pris contact avec Age Concern, un centre d'aide aux personnes âgées, à la mi-décembre. Sally Keeble, élue à Northampton, affirme aussi avoir alerté les services sociaux de la municipalité. En vain.

Elle a interpellé le sous-ministre de la Santé, Mike O'Brien, à la Chambre des communes hier. «Il est complètement anormal que des retraités connaissent une fin si tragique dans la Grande-Bretagne du XXIe siècle», a-t-elle dit. M. O'Brien a convenu que le cas était «très inquiétant».

Les autorités de Northampton ont ouvert une enquête.

Les groupes d'aide aux personnes âgées ont rappelé que cet hiver pourrait être particulièrement mortel, car un aîné sur trois peine à payer la facture de chauffage.

De son côté, Sarah McAlinden, autre voisine des Randall, insinuait un malaise plus profond. «Je ne savais même pas que Derek avait une femme, dit la coiffeuse. C'est dur de ne pas se sentir coupable. J'espère que ça incitera les gens à mieux soutenir leur entourage.»