Le premier ministre nord-irlandais Peter Robinson a provisoirement abandonné son poste pour six semaines lundi, promettant de prouver son innocence dans un scandale politico-sexuel qui menace désormais le fragile processus de paix.

L'intérim a été immédiatement confié à la ministre chargée des Entreprises, Arlene Foster, a annoncé le président de l'assemblée régionale où se côtoient les anciens ennemis catholiques et protestants depuis les accords de paix historiques de 1998. «En tant que père et que mari, je dois consacrer du temps à régler des affaires familiales», a déclaré le chef du parti protestant DUP, la voix chevrotante d'émotion, dans un communiqué lu aux médias.

«Il est particulièrement douloureux qu'à un moment de grande crise personnelle et de désarroi je doive me défendre contre des allégations malveillantes et infondées», a-t-il ajouté.

Sa remplaçante, Mme Foster, a affirmé devant les députés régionaux que M. Robinson allait «blanchir son nom». «Je n'ai aucun doute sur le fait... que ma présence ici sera vraiment temporaire», a-t-elle assuré, alors que les appels à la démission pure et simple du premier ministre se sont multipliés ces derniers jours.

Ces appels sont notamment venus du propre camp unioniste de M. Robinson, qui se serait bien passé d'un tel scandale à quelques mois des prochaines législatives. Le premier chef protestant du gouvernement biconfessionnel nord-irlandais né des accords de 1998, le prix Nobel de la paix David Trimble, a lui même appelé M. Robinson à partir, affaiblissant un peu plus la position du premier ministre.

M. Robinson est soumis à forte pression depuis que son épouse Iris, 60 ans, a été accusée par un documentaire de la BBC d'avoir commis des malversations en obtenant une aide financière à un jeune homme avec lequel elle avait eu une liaison extraconjugale.

Mme Robinson aurait obtenu de deux promoteurs qu'ils investissent 50 000 livres (55 000 euros) au total pour aider son amant, alors âgé de 19 ans, à ouvrir un restaurant en 2008.

Son mari, soupçonné de n'avoir pas informé les autorités compétentes de ce conflit d'intérêt, a lui-même diligenté la semaine dernière une enquête sur son comportement dans cette affaire. Il s'est défendu d'être au courant des engagements financiers pris par son épouse en faveur de son jeune amant.

Mme Robinson devrait quant à elle démissionner cette semaine de ses postes de députée au parlement de Londres et de membre de l'assemblée régionale nord-irlandaise, selon le DUP.

Cette affaire, d'abord privée, a rapidement débouché sur une crise politique en Irlande du Nord, où protestants unionistes du DUP et catholiques séparatistes du Sinn Fein se partagent le pouvoir au sein d'un exécutif semi-autonome depuis mai 2007, dans le cadre des accords de 1998.

La mise en oeuvre de ces accords achoppe toujours sur la délicate question de la dévolution des pouvoirs de police et de justice de Londres vers Belfast.

Le processus de paix est de plus menacé par un regain de violence sur le terrain, observé en 2009 après les meurtres par balle de deux soldats britanniques et d'un policier en mars. Ces attaques ont été revendiquées par deux groupes dissidents de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), l'IRA-véritable et l'IRA-continuité, opposés au partage du pouvoir entre catholiques et protestants.

Vendredi dernier, au moment même où éclatait le scandale Robinson, un policier a été grièvement blessé dans l'explosion d'une bombe placée sous sa voiture. Les enquêteurs soupçonnent là aussi les groupes républicains dissidents.