Le premier ministre britannique Gordon Brown assurait jeudi avoir désamorcé une nouvelle tentative de putsch travailliste, après des ralliements ministériels plus ou moins enthousiastes, mais sort de l'épreuve affaibli à l'approche d'élections favorables aux conservateurs.

«Ce que nous savons ce matin, 24 heures après, c'est que le parti veut de Gordon Brown pour le diriger», affirmait jeudi le ministre à l'Irlande du nord Shaun Woodward, en qualifiant de «distraction regrettable» l'épisode d'évidence traumatique.

La presse britannique a épuisé le registre de l'analogie politico-météorologique, en pleine vague de froid sibérien sur le Royaume-Uni, pour narrer le énième complot anti-Brown avorté mais néanmoins débilitant, en deux ans et demi.

Le premier ministre dirige un parti en proie aux doutes, à la traîne dans les sondages derrière les conservateurs emmenés par David Cameron, qui espèrent reconquérir le pouvoir après 13 années de traversée du désert: 10 sous Tony Blair et le reste sous Brown qui lui a succédé en juin 2007 sans affronter les urnes.

«-10 degrés, c'est juste la température à l'intérieur du 10 Downing street», a raillé le Sun. «L'hiver de la révolte», titrait l'Independent, tandis que le Times évoquait «un vent glacial pour Brown» et que le Guardian glosait sur «Une mutinerie en forme de tempête de neige qui a fondu».

Les médias ont retracé minute après minute la douzaine d'heures qui ont ébranlé Brown en recourant au même adjectif -«tiède»- pour désigner les soutiens ministériels, avant d'évaluer les dégâts politiques.

«Brown endommagé par les rebelles», a tranché le Financial Times.

La bombe politique est arrivée sous forme d'e-mails aux membres du Labour mercredi à 10H24 de la part de deux blairistes convaincus, Geoff Hoon et Patricia Hewitt, anciens ministres de la Défense et de la Santé.

Le tandem réclamait la tenue d'un scrutin à bulletins secrets pour décider du sort de Brown à la tête de la campagne en vue des législatives, attendues d'ici juin.

Hoon et Hewitt ont bizarrement emprunté le slogan de pré-campagne des conservateurs --»ça ne peut pas continuer comme cela»-- pour justifier leur demande de motion de confiance/défiance.

M. Brown s'est aussitôt multiplié en appels téléphoniques et en conversations en tête-à-tête en vue de recueillir des soutiens, souvent a minima.

Au nombre des premiers ralliés ont figuré Peter Mandelson et Alistair Darling, respectivement ministres du Commerce et des Finances. Ces derniers ne font par ailleurs guère mystère de leurs critiques face au manque de détermination de Brown à lutter contre les déficits publics.

Il aura fallu sept heures à David Miliband pour exprimer «son soutien à la campagne pour la réélection du gouvernement Labour qu'il (Brown) dirige». Le chef de la diplomatie britannique, qui a récemment décliné le poste de premier haut représentant aux affaires étrangères de l'UE, est considéré comme l'un des favoris à la succession de Brown.

Selon la BBC, les deux conspirateurs étaient convaincus du soutien d'une demi douzaine de ministres.

En fin de journée, Hoon a reconnu son échec, en répondant par un «oui» laconique à la question du présentateur de la BBC Jeremy Paxman :»si vous étiez Brutus, César s'en sortirait?».

La principale raison de ce dénouement tiendrait au calendrier, selon les analystes politiques : un changement de direction si près de l'échéance serait suicidaire.

L'épisode intervient alors que Brown opère un timide redressement dans les sondages. Le Labour reste cependant à quelque 10 points derrière les conservateurs, soit 3 de plus qu'il n'en faudrait pour qu'ils bénéficient d'une majorité absolue à la Chambre des communes.