Le plus grand procès jamais organisé sur le drame de l'amiante, contre l'ex-propriétaire du groupe suisse Eternit et un ancien haut dirigeant belge d'Eternit Italie, accusés d'être responsables de la mort de plus de 2 000 personnes en Italie, s'est ouvert jeudi à Turin.

Les deux accusés, l'ancien propriétaire du groupe suisse de matériaux de construction, le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny, et un ancien haut dirigeant belge, Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne, ne se sont pas présentés à l'audience, où se pressaient en revanche des centaines de victimes.

Considérés par le parquet, qui a enquêté durant plus de cinq ans, comme les responsables effectifs de la gestion d'Eternit Italie dont ils ont été actionnaires, ils sont jugés pour avoir provoqué une catastrophe environnementale et enfreint les règles de la sécurité au travail. Les défenseurs des deux accusés démentent toute responsabilité directe dans la gestion d'Eternit Italie.

Renvoyés en justice à l'issue des audiences préliminaires qui avaient débuté en avril, MM. Schmidheiny et de Cartier de Marchienne risquent de 3 à 12 ans de prison. Les victimes devraient demander par ailleurs plusieurs centaines de millions d'euros de dédommagements. M. Schmidheiny a déjà indemnisé environ 1 500 victimes.

Ce procès est le plus grand jamais organisé sur l'amiante et le premier pénal.

Les deux hommes sont accusés d'être responsables de la mort de plus de 2.000 personnes et d'en avoir rendu malades plusieurs centaines d'autres, anciens ouvriers ou simples habitants de Casale Monferrato et Cavagnolo (nord), Rubiera (nord) ou Bagnoli (sud), villes où Eternit avait ses usines.

Selon l'accusation, la contamination est due au non-respect des mesures de sécurité dans les usines et à la vente de produits à base d'amiante (pavés, isolants...) dans ces communes.

Eternit Italie a fait faillite en 1986, soit six ans avant l'interdiction de l'amiante dans le pays.

La première audience est consacrée à la présentation et à la constitution des parties civiles dont le nombre pourrait dépasser 2.000 alors qu'environ 700 ont déjà été enregistrées.

Des centaines de victimes sont venues assister au procès et le tribunal a mis à disposition quatre salles d'audience.

Venue de Cavagnolo, Paola Bastianello, qui a perdu en 1984 son père, ouvrier chez Eternit, «espère qu'il y ait un peu de justice et que cela fasse un exemple».

«C'est une tragédie terrible. Nous voulons que le mot justice ait un sens et qu'ils soient condamnés pour ce qu'ils ont fait», a déclaré de son côté Maria Assunta Prato, dont le mari, simple habitant de Casale Monferrato, est mort à 49 ans.

Pour les défenseurs des victimes, ce procès est un symbole et pourrait créer un précédent dans d'autres pays.

«C'est une première mondiale. Ce procès sera déterminant pour savoir si l'institution judiciaire est capable de se saisir d'un dossier aussi complexe», a noté l'avocat français Jean-Paul Teissonnière, membre avec d'autres avocats étrangers de l'équipe représentant les parties civiles.

En signe de solidarité, des victimes de l'amiante sont venues de France et de Suisse. Parmi les Français, des anciens salariés d'Eternit ont exhibé des pancartes avec les photos de leurs collègues décédés et sur lesquelles était écrit «Eternit leur a offert l'éternité».

«Cela doit servir d'exemple pour la France» où les victimes réclament un procès pénal «depuis des années sans succès», a souligné Alain Guérif, président de l'association nationale des victimes de l'amiante (Andeva).

Un ancien dirigeant d'Eternit a été mis en examen en France fin novembre.