Écharpes, banderoles et pull-overs violets, des centaines de milliers de manifestants ont défilé samedi dans le centre de Rome, à l'initiative de blogueurs, pour dire «non» au chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi qu'ils ont appelé à démissionner pour être jugé.

Les organisateurs du «No Berlusconi Day» ont estimé avoir gagné leur pari en réunissant dans la capitale «plus de 350 000 personnes». Ils étaient même entre 400 000 et 500 000, selon un photographe de l'AFP.

Depuis la tribune dressée sur la place Saint Jean de Latran, les blogueurs ont souligné l'indépendance de leur mouvement né sur internet, en rappelant avoir choisi le violet car c'était la «seule couleur laissée libre» par les partis traditionnels. Des manifestations étaient aussi organisées à Paris, Londres ou Sydney.

«Nous voulons la démission de Berlusconi car nous ne nous sentons pas représentés par lui», a expliqué à l'AFP Emanuele de Pascale, 28 ans, l'un des blogueurs. «C'est une manifestation politique au sens grec du terme "polis", parce que nous sommes préoccupés par la chose publique», a-t-il ajouté.

La plupart des manifestants, dont beaucoup de jeunes et de femmes, arboraient des écharpes, des pulls ou même des perruques allant du lilas au mauve. Beaucoup portaient un masque à l'effigie de Berlusconi avec le mot «No» (non) sur le front. Un grand nombre de militants d'extrême gauche, notamment du Parti des communistes italiens, grossissaient les rangs du défilé auquel ils avaient apporté une aide logistique.

«Il sait juste vendre des casseroles ou des spots publicitaires, qu'il rentre chez lui, ce président du conseil ne sait pas gouverner, la crise a mis en difficultés des tas d'artisans et ouvriers et il ne fait rien pour eux», a dénoncé devant l'AFP Mario Cattaneo, un retraité qui brandissait une poupée-caricature de Berlusconi à queue de diable.

La plupart des banderoles faisaient référence aux ennuis judiciaires de Silvio Berlusconi, sous le coup de deux procès, l'un pour corruption de témoins (affaires Mills) et l'autre pour fraude fiscale (droits télévisés Mediaset), devant démarrer en janvier.

«La politique se fait avec les mains propres», clamait une très longue bannière violette. «Démissionne et accepte d'être jugé», disait une autre.

Des manifestants criaient «mafioso» quand il croisait une de ses effigies, allusion à des accusations à son encontre de liens avec Cosa Nostra lancées vendredi à Turin par le mafieux repenti Gaspare Spatuzza.

L'ex-ministre Rosy Bindi a souligné être venue comme «simple citoyenne», pas comme responsable du Parti démocrate (PD) tout en saluant les nombreux sympathisants du PD présents. «Il est important qu'une portion forte du pays réagisse et s'indigne contre un président du conseil qui ne veut pas être jugé et ne résout pas les problèmes», a-t-elle dit à l'AFP.

L'ancien juge anti-corruption et chef du parti Italie des valeurs Antonio Di Pietro a dénoncé «la grande escroquerie médiatique, électorale, politique et judiciaire de ce gouvernement Berlusconi».

Des mouvements d'horizons très divers défilaient, avec dans leurs rangs des personnalités comme le réalisateur Nanni Moretti, pour dénoncer une hégémonie de Berlusconi sur la télévision italienne, ou des écologistes opposés au pont sur le détroit de Messine (Sicile).

Dans la foule, on voyait aussi des défenseurs des immigrés ou des membres du mouvement «peuple des agendas rouges» réclamant la vérité sur la mort du juge Paolo Borsellino en 1992 dans un attentat à la bombe à Palerme, dont les agendas secrets ne furent jamais retrouvés. L'attentat fut attribué à la mafia mais la presse italienne s'est récemment faite l'écho de possibles complicités politiques de haut niveau.