Le débat lancé en France sur l'identité nationale semble désormais embarrasser le gouvernement, au moment où le vote suisse sur les minarets suscite un malaise dans la classe politique et une poussée de fièvre sur les thèmes de l'immigration et de l'islam.

Le premier ministre François Fillon a remplacé vendredi au pied levé le président Nicolas Sarkozy à un colloque sur le sujet. Il s'est efforcé de délivrer un discours apaisant en assurant que «l'intégrisme» devait être «combattu» mais «surtout pas les musulmans». «Je préfère des mosquées ouvertes à des caves obscures», a-t-il dit. «Quant aux minarets, qui sont d'ailleurs assez peu nombreux en France, je dis simplement qu'ils doivent s'inscrire de façon raisonnable et harmonieuse dans notre environnement urbain et social», a-t-il ajouté.

L'affaire des minarets est venue brouiller le débat sur l'identité nationale, initié par le gouvernement et critiqué jusqu'au sein de la majorité de droite. Son lancement, le 25 octobre dernier, à quelques mois d'élections régionales, avait été dénoncé comme opportuniste.

«Effet boomerang pour la majorité», titrait vendredi le quotidien de gauche Libération, critiquant une «discussion aux apparences académiques qui tourne au règlement de comptes anti-musulman».

Pour le Figaro (droite), qui note une «légère embellie» pour le parti d'extrême droite Front national, «l'Elysée ne veut pas -ou plus- faire (de ce débat sur l'identité nationale) un thème de campagne pour les régionales».

Dans un pays qui compte entre 5 et 6 millions de musulmans, deux sondages récents ont montré une crispation à l'égard de l'islam: 41% des Français sont opposés à la construction de mosquées (seuls 19% y sont favorables), selon l'Ifop. Et 44% jugent la religion musulmane plus inquiétante que les autres, d'après BVA.

Devant des députés de sa majorité, Nicolas Sarkozy a interprété le vote helvète comme «l'illustration que les gens, en Suisse comme en France, ne veulent pas que leur pays change, qu'il soit dénaturé».

«Les Français ne veulent pas voir des femmes en burqa dans la rue mais cela ne veut pas dire qu'ils sont hostiles à la pratique de l'islam», a encore dit, selon un parlementaire, le président français, qui s'est à plusieurs reprises prononcé contre le port de ce voile islamique intégral.

Le débat sur l'identité nationale a donné lieu à des dérapages, comme l'illustrent les propos du maire d'un village de l'est de la France, en marge du premier débat organisé en région lundi soir.

Interrogé par des journalistes sur l'opportunité d'organiser un tel débat, le maire de Gussainville, André Valentin, l'avait jugé «indispensable» avant de déclarer: «Il est temps qu'on réagisse parce qu'on va se faire bouffer». «Y'en a déjà dix millions, dix millions que l'on paye à rien foutre», avait ajouté l'élu.

Il a ensuite assuré à l'AFP qu'il n'était «ni raciste ni xénophobe» et faisait référence aux chômeurs et aux personnes touchant les minima sociaux.

Le débat, également lancé sur un site Internet, connaît «6 à 7% de messages racistes ou xénophobes», qui sont enlevés par les modérateurs, sur «40 000 contributions», selon le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Eric Besson.

Il a en revanche affirmé que «les réflexions de comptoir» faisaient «partie de l'identité nationale», en réponse à des critiques de l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin (UMP, droite) sur la qualité du débat.

À gauche, le porte-parole du parti socialiste Benoît Hamon a dénoncé un «débat politique très malsain». Ce débat là «ne nous intéresse pas», avait déclaré mercredi la patronne du PS, Martine Aubry.