L'approbation par la population suisse d'une modification constitutionnelle interdisant la construction de nouveaux minarets galvanise les partis européens d'extrême droite, qui souhaitent emboîter le pas.

La tâche s'annonce ardue puisque la plupart de ces formations ne disposent pas des sièges requis pour faire adopter une telle mesure. Et rares sont les pays qui disposent de mécanismes de consultation populaire permettant de contourner l'opinion de la majorité politique comme c'est le cas en Suisse.

 

L'extrême droite risque de plus de se heurter à la Cour européenne des droits de l'homme, qui pourrait rapidement être appelée à statuer sur l'interdit suisse. L'Union démocratique du centre, formation de droite populiste à l'origine du vote de dimanche, menace de demander la révocation du traité donnant juridiction au tribunal s'il va à l'encontre de la «démocratie populaire».

Les difficultés à venir ne semblaient pas affecter hier l'enthousiasme des partis les plus radicaux du continent.

À venir en Belgique?

En Belgique, le Vlaams Belang, solidement implanté dans la partie néerlandophone du pays, a déclaré que «le bon sens l'avait emporté sur le politiquement correct» et promis de s'inspirer de l'initiative.

Le quotidien Le Soir, qui dénonce le résultat helvète, estime qu'il y a «gros à parier» qu'une majorité de Belges se prononcerait pour un tel interdit s'il était soumis à un vote populaire, «fascistes notoires et néopopulistes se faisant fort d'attiser les passions les plus basses».

En Autriche, les deux formations d'extrême droite du pays ont salué le résultat du scrutin suisse. L'Alliance pour l'avenir (BZÖ) a notamment indiqué que l'initiative populaire venait «confirmer» la décision prise en 2008 par la Carinthie sous la gouverne de son défunt leader, Jorg Haider.

La formation avait introduit une loi interdisant la construction de «bâtiments atypiques qui détonnent en raison de leur architecture inhabituelle ou de leur taille», une référence à peine voilée aux mosquées et aux minarets.

En France, le Front national s'est également félicité du résultat suisse. La vice-présidente de la formation d'extrême droite, Marine Le Pen, a indiqué que les élites devaient «cesser de nier les aspirations et les craintes des peuples européens, qui rejettent les signes ostentatoires des groupes politico-religieux musulmans».

Peur et ignorance

L'UMP, parti au pouvoir, a réagi de manière confuse à la décision. Le chef de la formation, Xavier Bertrand, prenant le contrepied du ministre de l'Immigration, Éric Besson, a notamment déclaré que les musulmans n'avaient «pas forcément» besoin de minarets pour pratiquer leur religion.

En Suisse même, la classe politique et les médias ont réagi avec consternation au résultat de l'initiative populaire, qui n'avait pas du tout été prévu par les sondeurs.»Les Suisses ont voté avec leurs tripes (...), inspirés par la peur, les fantasmes et l'ignorance», analyse le quotidien francophone Le Temps, qui parle d'un «coup de massue».

La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, responsable des affaires étrangères suisses, s'est dite déçue par le vote. Il reflète, selon elle, une «réaction de repli, une sorte de cri d'alarme par rapport au monde globalisé qui est le nôtre». Elle a avancé qu'il ne s'agissait pas d'un vote contre les 400 000 musulmans du pays, sous le choc, mais plutôt d'une mise en garde au gouvernement.

 

 

400 000

C'est le nombre de musulmans en Suisse.