Le Flamand Yves Leterme a retrouvé mercredi son poste de premier ministre de Belgique, en remplacement d'Herman Van Rompuy, nommé à la tête de l'UE, mais il sera cette fois très entouré pour éviter que les relations avec les francophones ne virent à nouveau à la crise.

Le roi Albert II a annoncé sa désignation, attendue, en fin de matinée.

«Le Roi a accepté la démission de Monsieur Herman Van Rompuy et a, sur la proposition de celui-ci, nommé Monsieur Yves Leterme Premier Ministre», indique un communiqué laconique du palais.

Le nouveau chef du gouvernement, qui a déjà occupé cette fonction pendant presque 10 mois en 2008, devait encore prêter serment dans la journée avec son nouveau gouvernement, qui sera quasi-identique au précédent, puis faire une «déclaration de politique générale».

Pour beaucoup de Belges, le retour aux affaires de ce chrétien-démocrate de 49 ans, qui est actuellement ministre des Affaires étrangères, suscite une bonne dose de scepticisme, voire de franche inquiétude. En particulier dans les rangs francophones.

«Je pense qu'il a mûri», a assuré l'ancien premier ministre Wilfried Martens, qui à 73 ans avait été chargé par Albert II de «faciliter la transition» après la nomination, la semaine dernière, d'Herman Van Rompuy à la présidence du Conseil européen.

Mais jusqu'au sein de son parti, le CD&V, on a toutefois jugé plus prudent d'encadrer de près cette fois-ci Yves Leterme, afin d'éviter les dérapages.

Le roi a confié à Jean-Luc Dehaene, un autre ancien premier ministre chrétien-démocrate flamand - qui jouit lui d'un bon niveau de confiance chez les francophones et est un spécialiste du très complexe système fédéral belge - de s'occuper du sujet qui fâche: faire une proposition pour résoudre les questions institutionnelles sur l'avenir du pays.

«Un Leterme sous contrôle», traduit mercredi le quotidien Le Soir. «Le premier ministre le plus materné», renchérit Het Laatste Nieuws, le quotidien le plus lu en Flandre.

La question la plus urgente est celle des droits électoraux et judiciaires spéciaux dont bénéficient les francophones vivant dans la banlieue flamande de Bruxelles. Les partis néerlandophones veulent les supprimer en scindant l'arrondissement bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde, dit «BHV».

Le premier passage aux affaires de M. Leterme n'a pas laissé un bon souvenir.

Il a d'abord mis une éternité à former son gouvernement, de juin 2007 à mars 2008, puis en tant que premier ministre (mars à décembre 2008) a plongé le royaume dans l'une de ses plus grave crise politique depuis la Seconde guerre mondiale.

Yves Leterme entendait imposer une «grande réforme de l'État», c'est-à-dire le transfert de nouveaux pouvoirs aux régions réclamé par la Flandre. Mais il s'était heurté à la résistance des partis francophones, qui craignaient que cette réforme ne préfigure l'éclatement du pays.

C'est cependant sur un dossier politico-judiciaire - des pressions présumées de son entourage sur la justice dans le cadre du démantèlement de la banque Fortis - qu'Yves Leterme dût jeter l'éponge en décembre dernier.

Herman Van Rompuy, un autre chrétien-démocrate flamand, plus modéré, avait alors repris le poste de premier ministre, réussissant à faire baisser les tensions entre Flamands et francophones.

Son départ offre à Yves Leterme une nouvelle chance de faire ses preuves. Mais c'est «la dernière», titrait mercredi le quotidien néerlandophone De Standaard.

Aux Affaires étrangères, il devrait être remplacé par le ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques, Steven Vanackere.