L'Allemagne souligne aujourd'hui le 20e anniversaire de l'ouverture du mur de Berlin. Pour l'occasion, l'Associated Press a interrogé le garde-frontière qui ouvrit le premier son point de passage.

Le garde frontalier Harald Jager commandait à Berlin-Est le point de passage vers l'Ouest sur Bornholmer Strasse quand la RDA annonça, le 9 novembre 1989, l'ouverture de cette frontière érigée 28 ans plus tôt. Vingt ans après, «l'homme qui ouvrit le mur» se souvient d'avoir ressenti de la honte pour le régime en laissant passer ce soir-là des milliers de ses concitoyens.

 

«C'était horrible parce que j'ai pris conscience que le parti et le gouvernement m'avaient laissé tomber et que mes propres collègues n'étaient pas derrière moi», a-t-il raconté à l'Associated Press.

Au-delà de l'abandon qu'il a alors ressenti, c'est une véritable révolution personnelle qu'a vécue Harald Jager. «Mon idéologie s'est alors complètement écroulée», a-t-il avoué.

Deux décennies plus tard, l'ex-garde frontière, âgé aujourd'hui de 66 ans, dont le point de passage fut le premier ouvert lors de cette soirée historique, revit différemment les événements.

«Le fait est que c'était juste et nécessaire, et que c'était exactement le bon moment», analyse-t-il. «En y repensant, je crois que j'aurais dû faire tout ça bien avant. Cela nous aurait épargné beaucoup d'ennuis.»

Ancien lieutenant-colonel au sein de la Stasi, la police secrète est-allemande, il rappelle qu'il avait déjà terminé sa journée de travail et qu'il se restaurait d'un sandwich à la cantine de son poste quand la télévision d'État a diffusé une information capitale.

Gunther Schabowski, membre du bureau politique du SED, le parti communiste est-allemand, annonçait que de nouvelles règles de voyage autorisaient désormais les Allemands de l'Est à se rendre à l'Ouest sans conditions.

«Je venais de mordre dans mon sandwich quand j'ai entendu la phrase mémorable de Schabowski», se remémore Jager, dont l'histoire est au centre d'un nouveau livre allemand, intitulé L'homme qui ouvrit le Mur.

Faute de consignes claires de ses supérieurs, le garde a estimé que le seul moyen de contrôler la foule grandissante massée contre le Mur, ce 9 novembre 1989 au soir, était d'ouvrir entièrement la frontière à son point de passage. Ce qu'il fit, laissant des milliers d'Est-Allemands pénétrer pour la première fois à l'Ouest.

«Je ne suis pas un héros», assure-t-il 20 ans plus tard. «Je n'ai fait que ce qui me paraissait être le mieux à faire ce soir-là.»

Il reconnaît cependant que son geste a probablement empêché une confrontation violente. «La seule chose dont je peux être crédité, c'est que le sang n'a pas coulé ce soir-là - seulement des larmes de joie et de la sueur froide.»