Un avocat lui a été imposé mais Radovan Karadzic a remporté une petite victoire, estiment les experts: il a gagné quelques mois supplémentaires pour préparer sa défense devant le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie.

Le procès pour génocide de l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie, qu'il boycotte depuis son ouverture le 26 octobre à La Haye, a été ajourné jeudi au 1er mars 2010, le temps que l'avocat dont le TPI a ordonné la désignation prenne connaissance du dossier de l'accusation. «La désignation d'un avocat est une manière indirecte de donner un peu plus de temps à Radovan Karadzic pour qu'il puisse continuer à préparer sa défense», estime Willem van Genugten, professeur de droit international à l'université de Tilburg, interrogé par l'AFP.

M. Karadzic, 64 ans, a gagné quatre mois supplémentaires pour préparer sa défense qu'il assure seul, assisté en coulisses par une vingtaine de juristes, alors qu'il avait réclamé en vain, en septembre, un délai de dix mois.

L'accusé conserve cependant le droit de se défendre lui-même : l'avocat désigné restera en «stand by» et n'interviendra que s'il persiste dans son refus d'assister au procès à sa reprise le 1er mars.

«C'est une menace. Les juges disent «si vous ne vous présentez pas, quelqu'un d'autre prendra le relais» », explique le professeur van Genugten. «Après plusieurs mises en garde, le tribunal devait donner un signal sérieux s'il ne voulait pas perdre sa crédibilité», assure-t-il.

L'accusation avait affirmé à plusieurs reprises qu'un avocat devait être désigné, soulignant que l'accusé pouvait aussi être conduit de force à son procès.

«Les juges cherchaient un compromis pour sortir de l'impasse», explique à l'AFP Harmen van der Wilt, professeur de droit pénal international à l'université d'Amsterdam.

«Ils doivent montrer qu'ils gardent le contrôle du procès si Karadzic continue à chicaner, qu'ils ne se font pas prendre en otages, tout en essayant de collaborer avec l'accusé», souligne-t-il.

Radovan Karadzic «a gagné une bataille mais pas la guerre», estime de son côté Xavier Tracol, ancien substitut du procureur en appel au TPI. «Son objectif est de prendre le tribunal en otage. Gagner du temps est l'un des moyens d'y parvenir».

L'ancien chef politique des Serbes de Bosnie plaide non coupable et encourt la prison à vie pour avoir orchestré un nettoyage ethnique durant la guerre de Bosnie. Il dispose de sept jours pour demander l'autorisation de faire appel.

Il adoptera une «approche constructive et tentera de trouver un compromis qui satisfera toutes les parties», a assuré à l'AFP l'un de ses conseillers juridiques, Marko Sladojevic.

Arrêté en juillet 2008 à Belgrade après 13 ans de cavale, l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie est accusé notamment d'être responsable du siège de Sarajevo, qui a fait 10.000 morts, et du massacre de Srebrenica (est de la Bosnie) en juillet 1995, au cours duquel plus de 7.000 garçons et hommes musulmans ont été exécutés.

Le TPI prévoit que les procès en première instance se terminent en 2010, à l'exception de trois d'entre eux dont celui de Radovan Karadzic, prévu pour deux ans, qui devrait s'achever début 2012. Les procès en appel devraient être terminés à la mi-2013.