La police de Naples a décapité en 24 heures «l'un des clans les plus cruels» de la Camorra, selon les experts, en arrêtant trois frères qui exerçaient un contrôle absolu sur toutes les activités criminelles de leur territoire, sur le modèle de la mafia sicilienne.

Pasquale Russo, 62 ans, chef historique du clan qui porte son nom, inscrit depuis 16 ans parmi les dix fugitifs les plus dangereux du pays, a été arrêté à 2h00 du matin dimanche lors d'une descente éclair à une trentaine de kilomètres à l'est de Naples.

En fuite depuis 1993, il avait été condamné à plusieurs reprises à perpétuité pour homicides et association de type mafieux.

Son plus jeune frère, Carmine, 47 ans, a été arrêté en même temps que lui, tandis que Salvatore, 51 ans, avait été retrouvé la veille par la police, caché dans une ferme d'élevage de poulets et de lapins, également dans la région.

C'est d'ailleurs l'arrestation de Salvatore Russo qui a semé la panique dans le clan, poussant ses membres à se trahir au téléphone, ont raconté les carabiniers.

Selon la police, le clan Russo, «l'un des plus redoutables de la province, représentait une véritable holding qui chapeautait une grande gamme d'activités illicites».

«C'est un clan particulièrement cruel. Ils ont à leur actif de nombreux homicides et des petits clans napolitains faisaient même appel à eux pour leurs opérations les plus sanglantes, comme le meurtre ou la dissimulation de cadavres», a expliqué à l'AFP Liro Abbate, journaliste de l'Espresso, spécialiste de la mafia.

Selon le sociologue napolitain Giacomo Di Gennaro, les frères Russo «maintenaient un contrôle sur un large territoire -s'étendant sur une quarantaine de communes selon la police-, grâce à l'extorsion de fonds, le trafic de drogue et d'armes au niveau international, et l'infiltration des institutions communales».

La police a affirmé que Pasquale Russo était «le référent officiel de Cosa nostra (la mafia sicilienne) en Campanie», la province dont Naples est la capitale.

«C'était le clan dont l'organisation est la plus proche de la mafia sicilienne», a confirmé Giacomo Di Gennaro, «avec un recrutement très strict, une structure familiale et pyramidale très hiérarchisée, et des opérations particulièrement sanglantes».

Autre point commun avec les mafiosi siciliens, le caractère «rural» du clan, selon Liro Abbate. Les frères Russo, recherchés par la police depuis une quinzaine d'années, n'ont pas quitté la région. Salvatore a été pris alors qu'il revenait de la chasse, son activité favorite, et les deux «boss» ont été retrouvés à quelques dizaines de kilomètres l'un de l'autre.

Ces «deux opérations magistrales, a commenté le procureur de Naples Giovandomenico Lepore, montrent que ces boss préfèrent vivre comme des taupes sur leur territoire, car ils jouissent d'une omerta, faite, j'espère, plus de terreur que de solidarité».

Ces arrestations ont été saluées par les ministres de la Défense, de l'Intérieur, de la Justice et par toute la classe politique, opposition comprise.

«Ce sont effectivement de très belles opérations car elles montrent ausi la puissance de l'Etat», a commenté M. Di Gennaro, qui rappelle toutefois «que la lutte n'est pas terminée» puisque Naples compterait environ 70 clans de tailles diverses.

C'est aussi une lutte qui coûte cher. Avec leurs détecteurs de micros, leurs lampes à infra-rouge et leurs scanners, les camorristes «utilisent nos méthodes (technologiques)», a relevé M. Lepore, mais ils «ont des ressources économiques bien supérieures».