Vous souvenez-vous de l'histoire de la chanteuse Amy Winehouse dont les cheveux avaient pris feu lors d'une soirée? Ce canular a fait le tour du monde. Le documentariste Chris Atkins voulait démontrer le manque d'éthique et de rigueur des tabloïds. Son film, Starsuckers, expose quelque chose de pourri dans la presse britannique et internationale.

Chris Atkins ne dort pas beaucoup ces jours-ci. Le réalisateur britannique a été harcelé par des journalistes enragés. Il a aussi évité de peu le bâillon de la part des avocats de Max Clifford, relationniste tout puissant des vedettes britanniques.

«C'est la folie depuis quelques semaines», admet Chris Atkins.

Son brûlot, Starsuckers, s'attaque à la machine médiatique et son exploitation du culte de la célébrité. Il a pris l'affiche hier dans la controverse.

Pour piéger les tabloïds, le réalisateur a fabriqué des histoires de toutes pièces. L'une d'elles mettait en scène la coiffure d'Amy Winehouse qui avait pris feu à la suite de l'explosion d'un fusible. Sans aucune vérification, le Daily Mail et le Daily Star ont publié la fausse nouvelle, qui s'est retrouvée jusque dans le Times of India.

Chris Atkins est allé plus loin en prétendant connaître les détails d'opérations esthétiques de célébrités. Trois journalistes ont voulu le rencontrer. La publication d'informations médicales confidentielles est pourtant interdite par l'organisme d'autorégulation des médias, la Press Complaints Commission (PCC).

Lors de ces entretiens, les rôles étaient inversés: les journalistes étaient filmés à leur insu. Ils ont promis à Chris Atkins jusqu'à 10 000£ (18 000$ CAN) pour une histoire qui ferait la une.

La journaliste de The People, tiré à un million d'exemplaires, confie qu'une réprimande de la PCC n'est pas un problème. «Si nous nous faisons taper sur les doigts, nous n'avons qu'à publier une excuse quelque part et c'est tout. Il n'y a pas d'amende... En fait, la PCC est dirigée par les éditeurs de journaux eux-mêmes», dit-elle en riant.

Et c'est là que le bât blesse, explique Chris Atkins. «L'autorégulation ne fonctionne pas. Les banques l'ont fait, regardez le résultat! C'est une honte nationale», dit-il en entrevue.

Plusieurs tabloïds britanniques ont été poursuivis en justice ces dernières années. Les parents de la petite Maddie McCann ont obtenu des excuses et une compensation financière du Daily Star et du Daily Express en 2008. La justice britannique a aussi été saisie de l'affaire d'une vidéo sexuelle de Max Mosley, diffusée par News of the World.

«Leurs pratiques sont bien pires que je pensais», dit le réalisateur, dont un documentaire sur l'érosion des libertés civiques sous Tony Blair, Taking Liberties, l'a fait connaître en 2007.

Le film Starsuckers écorche également un intouchable de l'industrie du spectacle: Max Clifford. Le relationniste des stars explique devant une caméra cachée comment il tire les ficelles, facilitant par exemple les fréquentations de filles mineures par un acteur libidineux.

Après une discussion entre les avocats d'Atkins et de Clifford, ces derniers ont abandonné une tentative d'injonction. D'autres avocats frappent toutefois à la porte du documentariste. «Je suis nerveux mais confiant», dit-il.