De la garderie à la fin de l'université, le système d'éducation russe est corrompu jusqu'à la moelle. Une situation qui met en péril l'avenir de ce pays, où une attestation spécialisée s'achète pour quelques centaines de dollars.

Dans un passage souterrain entre deux stations de métro, une dame tient une petite affiche en vieux carton où il est inscrit «Diplômes». La scène n'a rien d'étonnant en Russie, où quelque 500 000 faux diplômes seraient vendus chaque année.

Sur l'internet, les vendeurs ne font montre d'aucune gêne. «Acheter un diplôme est plus avantageux, puisqu'en étudiant quelques années, on n'obtient pas toujours la formation nécessaire pour décrocher un bon emploi. En plus d'économiser du temps, vous dépenserez beaucoup moins d'argent et userez moins vos nerfs en commandant un diplôme», peut-on lire sur le site kyplu-diplom.com («jacheteundiplome.com»), l'un des nombreux sites à offrir un service du genre.

Pour une somme variant entre 350$ et 1000$US, le client devient ainsi comme par magie ingénieur nucléaire, médecin, ou comptable en moins de quelques jours ouvrables.

Parmi ces fausses attestations, quelque 100 000 seraient délivrées annuellement par des employés des institutions d'éducation. Un diplôme avec la signature du recteur, les sceaux officiels et une inscription dans les dossiers de l'université coûte entre 20 000$ et 50 000$.

Aliments avariés

Sergueï Komkov, directeur du département de la lutte contre la corruption du centre «Sécurité complexe de la patrie», rattaché au Parlement, est persuadé que la multiplication des faux diplômes n'est que la pointe visible d'un problème qui gangrène tout le système d'éducation russe. «La corruption, elle commence lorsque l'enfant entre à la garderie et se termine au doctorat», soutient-il.

À Moscou, la liste d'attente pour une place en garderie compte 16 000 noms. Mais en fournissant une «aide» de 30 000 à 100 000 roubles (1100$ à 3700$CAN) à un fonds privé très proche des fonctionnaires municipaux, le problème s'arrange rapidement, explique M. Komkov.

À l'école primaire, «l'alimentation des enfants, c'est le Klondike» pour les firmes privées et les fonctionnaires, poursuit cet ancien directeur d'école sous l'Union soviétique. La municipalité de Moscou, par exemple, octroie une somme colossale pour les repas des enfants, censés être offerts gratuitement à la plupart. «En réalité, très peu ont droit à la gratuité. Et nos enfants sont nourris avec des aliments avariés pris dans les réserves d'État et revendus aux firmes par la Ville de Moscou pour des kopecks!»

Selon ses recherches, environ 30% des sommes allouées pour l'alimentation finissent dans les poches des fonctionnaires.

Tâche colossale

Depuis son entrée en fonction en début d'année, Sergueï Komkov et sa douzaine de subordonnés ont fait les comptes: chaque année, environ 5,5 milliards de dollars américains seraient détournés ou versés en pots-de-vin dans le système d'éducation russe.

Enrayer la corruption est une tâche colossale, reconnaît M. Komkov. Surtout en Russie, où elle n'a fait qu'augmenter depuis le début de la décennie, malgré les promesses du président Vladimir Poutine, puis de son successeur Dmitri Medvedev.

Mais Sergueï Komkov promet de la «détruire de l'intérieur» en s'attaquant à quelques institutions et fonctionnaires corrompus qu'il pourra ensuite brandir en exemple. «Les étudiants sortent du système à moitié compétents, se désole-t-il. Vous imaginez quel malheur ça représente pour le pays!»