La décision du Vatican d'ouvrir ses portes aux «dissidents anglicans» a semé un profond trouble en Angleterre, les uns célébrant le geste oecuménique quand les plus radicaux brandissent le spectre d'un schisme, de défections massives et d'un gel de la réconciliation entre Rome et Canterbury.

«Les évêques désespérés ont invité Rome à parquer ses chars sur la pelouse de l'Archevêque (anglican)», tonitruait mercredi le Times de Londres, particulièrement remonté contre «la capitulation» supposée du chef de l'église anglicane Rowan Williams, face à un présumé diktat du Vatican.

Plus modéré, le Daily Telegraph relève que si certains critiqueront «une tentative délibérée du Vatican pour débaucher des anglicans révoltés», d'autres au contraire apprécieront l'initiative de nature à «éviter un schisme», en offrant aux conservateurs la possibilité de rester dans le giron de la chrétienté au lieu d'aller créer de multiples églises dissidentes sur tous les continents.

La proposition papale est la conséquence directe des remous provoqués ces dernières années au sein de l'église anglicane par la décision d'autoriser l'ordination des femmes et des pasteurs homosexuels, ou encore de bénir les couples gays.

Autant d'avancées libérales qui ont révulsé nombre de prélats et de fidèles, au point de les inciter à venir frapper aux portes du Vatican. C'est le cas notamment de l'archevêque traditionaliste australien John Hepworth et des évêques anglais d'Ebbsfleet et Richborough. Le trio a multiplié les missions plus ou moins secrètes auprès du Saint-Siège, tandis que l'église épiscopale américaine se déchirait sur les mêmes sujets.

L'initiative papale a été annoncée simultanément à Rome et à Londres. Au Vatican, le cardinal William Joseph Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a annoncé la prochaine promulgation d'une «Constitution apostolique» qui fournira un cadre d'accueil aux convertis, dans le respect de certaines de leurs traditions et liturgie. La nouvelle structure permettra l'ordination comme prêtres catholiques d'anciens membres du clergé anglican déjà mariés, à l'exception des évêques.

À Londres, l'archevêque de Canterbury a réfuté les accusations de «prosélytisme» voire «d'agression» de la part de Rome. Dans un communiqué conjoint avec l'archevêque catholique de Westminster, il a présenté le développement comme «une nouvelle reconnaissance des similitudes substantielles dans le domaine de la foi, de la doctrine et de la spiritualité entre l'église catholique et la tradition anglicane».

Mgr Williams n'en a pas moins donné l'impression d'avoir été pris de court: «Je suis désolé de n'avoir pas eu l'occasion de vous alerter plus tôt de cette affaire. J'ai moi-même été informé de l'annonce commune très tardivement», a-t-il écrit à son clergé.

Quant aux conséquences en termes de conversions, elles varient selon Rome et Londres. Le cardinal Levada a chiffré à «20 à 30 évêques et quelques centaines de personnes» le nombre de ceux qui pourraient revenir dans le giron de Rome.

Mais l'évêque de Fulham John Broadhurst évalue à un millier le nombre des pasteurs susceptibles de conversion.

Et pour le Times, «l'évènement potentiellement le plus important depuis la Réforme, qui vit le roi Henri VIII d'Angleterre fonder une nouvelle église dissidente de Rome en 1534 provoquera l'exode de milliers de pasteurs en Angleterre, aux Amériques et en Australie».

Quoi qu'il en soit, l'affaire promet de dominer la visite de Benoît XVI en Grande-Bretagne en septembre prochain. Elle coïncidera avec la béatification en la cathédrale de Birmingham du plus célèbre des convertis britanniques, le cardinal John Henry Newman, devenu catholique en 1845.