Les présidents turc et arménien sont arrivés mercredi à Bursa, dans l'ouest de la Turquie, où ils devaient assister ensemble à un match de football des équipes nationales, un événement hautement symbolique quatre jours après la signature d'accords de réconciliation.

Le président Serge Sarkissian est arrivé vers 9h30. Il a été accueilli à la descente de l'avion par le ministre turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu, et un groupe folklorique féminin. Le président arménien et son homologue turc Abdullah G-l devaient avoir un entretien en tête à tête, avant un dîner, puis assister à un match de football entre les équipes nationales, au stade Atat-rk, à partir de 14H00 HAE.

Une réception devait suivre dans un grand hôtel.

M. Sarkissian n'est pas le premier chef d'État arménien à se déplacer en Turquie, mais il est le premier à le faire pour des raisons bilatérales.

Cette visite constitue une nouvelle étape dans la démarche historique de réconciliation entreprise par Ankara et Erevan, opposées depuis près d'un siècle sur la question des massacres d'Arméniens sous l'empire ottoman (1915-1917), qui constituent un «génocide» pour l'Arménie, terme rejeté par la Turquie.

Samedi à Z-rich (Suisse), les deux pays ont signé des accords qui doivent mener à l'établissement de relations diplomatiques, à la réouverture de la frontière commune, et à une série de mesures pour resserrer les liens bilatéraux. Ces accords doivent encore être approuvés par les deux parlements.

Des mesures de sécurité draconiennes ont été prises pour ce match de qualification pour le Mondial 2010, par ailleurs sans enjeu sportif pour les deux pays, qui n'ont plus d'espoir d'aller au Mondial.

Le déplacement de M. Sarkissian répond à une visite de M. G-l à Erevan en septembre 2008 pour le match aller, remporté 2 à 0 par les Turcs.

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé mardi Bursa à faire la preuve de «l'hospitalité turque», sans céder aux «provocations».

Les supporteurs de l'équipe locale sont invités à chanter «La mariée blonde» pendant la rencontre, un chant très populaire, tant en Turquie qu'en Arménie ou en Azerbaïdjan, pays musulman et turcophone allié d'Ankara.

Le président de l'UEFA, Michel Platini, doit aussi assister à la rencontre.

Trois mille policiers ont été déployés. Selon la presse turque, la grande majorité des quelque 18000 places du stade Atatürk a été réservée à des invités, personnels militaires et de la police, familles de joueurs, ou cadets d'écoles militaires. Un dispositif destiné à prévenir les débordements.

Environ 300 jeunes protestaient dans l'après midi devant le stade, demandant «Où sont les tickets pour le match?»

Une association de soutien à l'Azerbaïdjan a distribué des milliers de drapeaux azéris dans la ville, et des supporteurs envisageaient de les déployer dans le stade pour protester contre le soutien apporté par Erevan aux séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh, enclave en territoire azerbaïdjanais contrôlée par les Arméniens depuis une guerre dans les années 90.

Cette dispute est à l'origine de la fermeture par les Turcs de la frontière avec l'Arménie, en 1993, en soutien à l'Azerbaïdjan.

L'opposition arménienne a pour sa part condamné cette visite de M. Sarkissian en Turquie, l'accusant de brader les intérêts du pays.

«Il n'aurait jamais dû y aller», a déclaré mercredi Kiro Manoian, un des dirigeants de la Fédération révolutionnaire arménienne (Dashnaktsutyun).

«Il avait dit clairement qu'il n'irait pas tant que la frontière ne serait pas ouverte ou sur le point de l'être. Or c'est ni l'un ni l'autre», a-t-il dit.