Privé de son immunité pénale, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a choisi de contre-attaquer en se posant en martyr des médias, des magistrats et des institutions, et en s'appuyant sur sa légitimité électorale pour «aller de l'avant».

Le chef de l'exécutif italien a pris de plein fouet mercredi la décision surprise de la Cour constitutionnelle d'invalider la loi Alfano qui le protégeait des tribunaux pendant la durée de son mandat (cinq ans). Mais, devant la perspective de rejoindre bientôt le chemin des tribunaux pour des affaires de corruption et de faux en écriture, il a choisi sa posture: celle de victime d'un complot et d'unique représentant légitime des Italiens, qui, assure-t-il, le soutiennent «à 70%».

«Vive l'Italie, vive Berlusconi !», a-t-il lancé en réagissant à chaud à la décision de la Cour.

«Cette phrase ressemble à un signal émis en direction de ses alliés et de l'opposition. Cela signifie en quelque sorte «L'État c'est moi» et personne d'autre», a analysé pour l'AFP Giacomo Marramao, professeur de philosophie politique à Rome.

Dans le même esprit, le quotidien pro-Berlusconi Il Giornale a remis au goût du jour le slogan de campagne du Cavaliere, «Heureusement qu'il y a Silvio !», et titré sur cinq colonnes «Heureusement que Silvio ne baisse pas les bras».

«Il aime se présenter comme ça: lui c'est le pays et le pays c'est lui. Sans institutions, sans parlement, et juste un dialogue direct avec les Italiens à travers la télévision qu'il contrôle», a commenté l'ex-député de gauche Luciano Violante.

Silvio Berlusconi «a décidé d'opposer sa propre légitimité électorale à celle des institutions qui le délégitiment sans avoir «le peuple» derrière elles», a également estimé le Corriere della Sera.

S'appuyant sur cette légitimité, quelque peu battue en brèche par des chiffres moins flatteurs - seulement 47% de cote de confiance en septembre, fait apparaître un sondage de la Repubblica (gauche) - le chef du gouvernement se présente en martyr.

L'occasion lui en a été donnée avec l'inauguration mercredi soir d'une exposition sur les Saints Patrons d'Europe. «Il manque le portrait de Saint-Silvio d'Arcore (NDLR, sa résidence milanaise) qui agit pour que l'Italie ne tombe pas aux mains de certains Messieurs de la gauche», a-t-il ironisé.

Victime, donc, des médias, des magistrats, quasiment tous «de gauche», a dénoncé le Cavaliere.

Mais il a franchi un pas supplémentaire, une vraie ligne rouge en Italie, en s'en prenant avec virulence au président de la République, Giorgio Napolitano, dont il a mis en doute l'impartialité. «On sait bien de quel côté il est», a-t-il lancé.

Cette attaque a suscité l'indignation du Parti démocrate, principale formation d'opposition (gauche), qui a dénoncé des propos «inadmissibles» et un risque de «dérive autoritaire».

La diatribe de Silvio Berlusconi a aussi provoqué un malaise certain au sein de sa majorité de droite. Il a le droit de se défendre, mais aussi «le devoir de respecter la Cour constitutionnelle et le chef de l'État», a déclaré son allié, le président de la Chambre des députés Gianfranco Fini.

Pour autant, à part l'ex juge anticorruption Antonio di Pietro, nul n'a demandé la démission du chef du gouvernement.

Ni la gauche, très affaiblie et empêtrée dans des querelles de leadership, ni la majorité dont le fragile équilibre entre centre droit et populistes de la Ligue du Nord repose sur Berlusconi, selon les politologues.