La conservatrice Angela Merkel, qui va se succéder à elle-même après les législatives de dimanche, s'est imposée comme la chancelière préférée des Allemands et «la femme la plus puissante de la planète», malgré une ligne politique floue.

Angela Merkel, 55 ans, qui a grandi en ex-RDA et entamé sa carrière politique avec la chute du Mur de Berlin, va entamer son nouveau mandat de quatre ans avec une popularité sans équivalent depuis la guerre, plus de 60% d'opinions favorables.

La campagne électorale de son parti Union démocrate-chrétienne (CDU) a entièrement reposé sur la personne d'«Angie», jugée pourtant peu charismatique et piètre oratrice.

Sans programme électoral détaillé, elle a agité le spectre d'une alliance entre les sociaux-démocrates (SPD) et l'extrême gauche (Die Linke) pour promouvoir la coalition qu'elle aimerait former avec le FDP.

Lorsqu'elle est désignée chancelière le 22 novembre 2005, Angela Dorothea Merkel entre déjà dans l'Histoire: elle est la première femme à diriger l'Allemagne, la première depuis la britannique Margaret Thatcher à gouverner un grand pays européen, et le premier chef de gouvernement issu de l'ex-RDA.

Celle que le magazine Forbes a élu «femme la plus puissante de la planète» quatre ans de suite s'est illustrée à la présidence tournante de l'Union européenne en faisant adopter le Traité de Lisbonne.

La crise venue, elle essuie de vives critiques de ses partenaires lorsqu'elle refuse un plan de relance européen. Elle devient «Madame Non».

Aujourd'hui le malaise semble dissipé. Malgré des personnalités aux antipodes, le président français Nicolas Sarkozy dit apprécier cette femme «courageuse, loyale, intelligente».

Franche à l'extérieur, la chancelière rappelle à l'ordre la Russie sur les questions de droits de l'Homme et exige du pape Benoît XVI qu'il prenne ses distances avec les théories négationnistes d'un évêque intégriste.

En politique intérieure en revanche, elle évite les positions tranchées. Contrainte de cohabiter avec le SPD, elle a abandonné les thèses libérales qu'elle défendait en 2005 et se contente de généralités, répétant: «la croissance crée des emplois».

Seule exception: elle se bat pour le sauvetage du constructeur automobile Opel, et ses 25 000 emplois en Allemagne, et sa reprise par l'équipementier canadien Magna associé à une banque publique russe.

Beaucoup d'Allemands saluent son pragmatisme et sa simplicité. Mais ses convictions restent un mystère pour eux.

«C'est un être très fermé qui a appris sous le régime de RDÀ à ne jamais exprimer ce qu'elle pense», dit à l'AFP son biographe, Gerd Langguth. «C'est un sphinx mais elle aimerait maintenant apparaître plus humaine».

Née à Hambourg, elle grandira en RDÀ où son père pasteur s'installe peu après sa naissance.

Cette scientifique de formation entre en politique à la chute du Mur. Repérée par Helmut Kohl en 1990, «la gamine», comme il la surnomme, devient ministre de la Condition féminine puis de l'Environnement.

Elle profite du scandale des caisses noires de la CDU pour renverser Kohl. Femme, protestante de surcroît, elle s'impose à la tête d'un parti de tradition catholique et dominé par les hommes.

Remariée à un chimiste de renom mais effacé, Joachim Sauer, la chancelière a conservé le nom de son premier mari.

Moquée autrefois pour son manque d'élégance, «la chancelière en pantalon», qui rêvait de devenir patineuse artistique, a toujours refusé d'être le porte-drapeau des féministes.

Au 7e étage de la chancellerie, Angela Merkel n'a qu'un seul tableau sur son bureau: un portrait de la Grande Catherine, princesse allemande devenue impératrice de Russie.