Angela Merkel peut crier victoire. Les électeurs allemands l'ont reconduite dimanche à la chancellerie pour un nouveau mandat de quatre ans à la tête de la coalition de centre droit de son choix avec les libéraux, tandis que les sociaux-démocrates (SPD) encaissent un cuisant revers. Mais ce gain n'a rien d'un triomphe, au vu du score de son parti et de l'influence qu'aura son partenaire libéral, estiment plusieurs observateurs.

Avec leurs alliés libéraux du FDP, les conservateurs (CDU/CSU) de Mme Merkel ont remporté une majorité confortable des sièges, 332 sur les 622 que comptera finalement le Parlement, selon les résultats officiels communiqués aujourd'hui à l'aube, heure locale.

La chancelière venue de l'ex-RDA, âgée de 55 ans et immensément populaire, a annoncé elle-même une heure après la clôture du scrutin la formation de cette nouvelle coalition qu'elle appelait de ses voeux pour gouverner la première puissance économique européenne, frappée par une récession sans précédent.

«Nous pouvons ce soir célébrer la victoire, a déclaré Mme Merkel au quartier général de son parti à Berlin. Nous avons réussi à obtenir une majorité solide, pour former un nouveau gouvernement de la CDU/CSU (les Unions conservatrices) et du FDP, et c'est bien. Je veux être la chancelière de tous les Allemands, afin d'améliorer la situation de notre pays.» Les législatives de dimanche ont toutefois consacré le déclin des deux grands partis allemands, conservateurs et sociaux-démocrates, face aux « petits partis », auteurs de scores historiques.

Ainsi, les conservateurs (CDU/CSU) de Mme Merkel enregistrent leur plus mauvais résultat depuis 1949, avec 33,8% des voix.

De leur côté, les sociaux-démocrates (SPD), qui gouvernaient avec Mme Merkel depuis quatre ans dans une « grande coalition » et dont le candidat à la chancellerie était le ministre des Affaires étrangères sortant Frank-Walter Steinmeier, 53 ans, réalisent leur plus bas score historique, à 23%.

Le social-démocrate Steinmeier, 53 ans, a concédé une «défaite amère», relevant qu'un « nouveau rôle (l')attend, celui d'opposition». Le SPD avait recueilli 34,2% des suffrages il y a quatre ans et recule de plus de 10 points.

Durant la campagne, il n'est pas parvenu à se présenter comme un véritable rival des conservateurs avec lesquels il avait gouverné.

«Le SPD est sonné, c'est une crise identitaire», explique à l'AFP Étienne François, historien et universitaire à Berlin.

Trois «petits» devenus grands

Face à ces deux formations, trois «petits» partis devenus grands : le FDP libéral (14,6%), Die Linke (extrême gauche, à 11,9%) et les Verts (10,7%) ont chacun réalisé le meilleur score de leur histoire.

Le bond est spectaculaire pour les libéraux, qui s'affichent comme un allié indispensable pour Mme Merkel, qui a besoin de leurs voix pour être réélue chancelière par la chambre basse du Parlement allemand. Le chef de la formation libérale, Guido Westerwelle, s'est félicité de « ce résultat excellent » et a promis de faire en sorte que l'Allemagne ait un «système fiscal équitable, d'améliorer les chances en matière d'éducation et de défendre les libertés individuelles».

«Le FDP n'est plus un parti d'appoint», constate l'historien Étienne François, tandis que «la CDU/CSU n'est plus un grand parti rassembleur, mais de plus en plus un parti au profil clairement conservateur. Certains de ses électeurs ont donné leur première voix à un candidat à la CDU, et la deuxième au FDP, pour durcir leur vote à droite», explique-t-il.

Le système électoral allemand dote chaque électeur de deux voix : l'une pour élire directement un candidat dans sa circonscription, et l'autre pour un parti.

Seuls cinq des partis en lice franchissent la barre des 5% requise pour entrer au Bundestag, selon les projections.

La participation atteint un niveau historiquement bas : 70,8 % contre 77,7% il y a quatre ans.

Campagne atone

Mme Merkel, la «femme la plus puissante de la planète» pour la quatrième année consécutive, selon le magazine Forbes, plaidait pour la fin de la coalition avec les sociaux-démocrates.

«Demain, il s'agira de donner la force à l'Union de former un nouveau gouvernement en Allemagne, dans une nouvelle constellation», avait-elle lancé samedi lors de sa dernière réunion, à Berlin, à l'issue d'une campagne atone où elle s'est gardée de faire la moindre promesse.

La CDU a battu campagne en misant tout sur la popularité record de la chancelière, quitte à éviter les débats de fond.

La sécurité avait été renforcée dans le pays, singulièrement dans les gares et les aéroports, alors qu'à l'approche du scrutin des menaces de militants islamistes ont circulé sur l'internet, dont un message sous-titré en anglais et en allemand du chef d'Al-Qaeda, Oussama Ben Laden.

De nombreux dossiers économiques attendent le gouvernement Merkel II, dont l'accroissement annoncé du chômage, l'augmentation des déficits et les difficultés du système éducatif et de santé, alors que le pays commence à sortir de la récession.

 L'engagement de l'Allemagne en Afghanistan figurera aussi à l'ordre du jour.

CDU et FDP ont déjà dit vouloir revenir sur l'abandon programmé de l'énergie nucléaire.