La «jungle» de Calais, vaste campement occupé par des centaines de clandestins dans le nord de la France et symbole du problème de l'immigration en Europe, sera démantelée la semaine prochaine, a annoncé le gouvernement français, suscitant le scepticisme d'associations.

Les immigrants, surtout des Afghans et des Irakiens, sont réfugiés dans des abris de fortune, dans cette zone sablonneuse proche du port de Calais, avec l'espoir de franchir la Manche et de s'établir en Grande-Bretagne. Le ministre français de l'Immigration Eric Besson a annoncé mercredi soir qu'il engagerait avant la fin de la semaine prochaine le démantèlement complet de la «jungle», justifiant cette décision par une augmentation des actes de délinquance dans la région.

«Ces dernières semaines, les atteintes graves aux Calaisiens de la part des migrants avaient augmenté», a assuré jeudi Natacha Bouchart, la maire de la ville.

«Depuis deux ans, les filières clandestines ont reconstitué une nouvelle plaque tournante du trafic d'êtres humains, à proximité directe du port de Calais», a-t-il fait savoir. C'est là que plusieurs centaines de migrants espèrent, grâce à des passeurs, embarquer clandestinement dans un camion pour l'Angleterre.

Eric Besson a assuré qu'une «solution individuelle» serait proposée à chacun: le retour volontaire, la demande d'asile, ou l'expulsion.

Depuis plusieurs mois, les ONG mais aussi le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR), installé sur place, essaient de convaincre ces migrants que la Grande-Bretagne n'est pas l'Eldorado dont ils rêvent. Et ils les incitent à déposer des demandes d'asile en France.

Le ministère français de l'Immigration a assuré que 170 demandes d'asile ont été enregistrées depuis le 1er janvier, «avec délivrance d'un titre de séjour provisoire et d'un hébergement». De plus, 180 migrants ont accepté une proposition de «retour volontaire» dans leur pays.

Au total, selon le ministère, il reste aujourd'hui 300 migrants dans la «jungle», alors qu'ils étaient environ 700, il y a trois mois.

Le nombre d'Afghans attendant à Calais d'émigrer en Grande-Bretagne connaît «un tassement», au profit d'un «transfert léger mais bien réel» vers les Pays-Bas et la Belgique, a noté jeudi Eric Besson, lors d'un déplacement à Varsovie.

La question des immigrants dans la région de Calais est un casse-tête depuis des années pour les autorités françaises.

Fin 2002, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait décidé de la fermeture d'un centre de la Croix-Rouge, à Sangatte, un village proche de Calais. Ce centre avait accueilli des milliers de migrants, dans des conditions de détresse épouvantables. Il était, de plus, critiqué par les autorités britanniques qui estimaient qu'il favorisait l'émigration clandestine vers la Grande-Bretagne.

Mais depuis la fermeture de Sangatte, les immigrants errent dans la région de Calais. C'est pourquoi les associations d'aide aux réfugiés jugent avec scepticisme le démantèlement de la «jungle».

«Il est ridicule, comme ça été fait jusqu'à présent (...) de démanteler un squat sans alternative», a déclaré à l'AFP l'abbé Jean-Pierre Boutoille, du collectif d'associations humanitaires C-Sur.

«On sait que d'ores et déjà les conditions d'hygiène, de protection ne sont pas assurées, le froid va arriver, des enfants, des familles vont se trouver dans une grande difficulté», a souligné de son côté l'ancien ministre socialiste Jack Lang, élu de la région.

Photo Reuters

Les abris de fortune de la «jungle» de Calais.