Soixante-dix ans après le début de la Seconde guerre mondiale, le parlement allemand doit adopter mardi une loi réhabilitant ceux condamnés sous le nazisme comme «traîtres de guerre».

Le projet de loi, soutenu par les cinq partis représentés au Bundestag, marque l'aboutissement de dizaines d'années d'efforts par les victimes et leurs familles.

Les tribunaux militaires nazis ont prononcé quelque 30 000 condamnations à mort pour désertion ou trahison en temps de guerre, et environ 20 000 personnes ont été exécutées, selon les historiens. Quelque 100 000 personnes ont été condamnées à des peines d'emprisonnement.

Ces sentences ont été prononcées pour des cas de désertion, d'actes de résistance au régime, d'aide aux juifs, et même pour de simples remarques critiques à l'égard des nazis formulées en privé et rapportées aux autorités.

En 2002, le parlement avait révoqué toutes les peines prononcées contre les déserteurs et objecteurs de conscience, mais pas celles contre les «traîtres de guerre».

Sur les bancs du parlement mardi, pour savourer sa victoire, prendra place Ludwig Baumann, 87 ans, lui-même ancien déserteur qui a mené le combat pour blanchir ceux également accusés de traîtrise.

Il avait échappé de peu à une condamnation à mort en 1942 après avoir déserté de la Wehrmacht à Bordeaux, en France occupée, mais avait été torturé après sa capture, il a fait l'objet de discriminations et a été la cible de menaces pendant des dizaines d'années après la fin de la guerre.

Il reçoit encore aujourd'hui des lettres anonymes.

«Nous pensions qu'après la guerre ce que nous avons fait serait apprécié, mais on nous a insulté en nous traitant de froussards, de criminels, de traîtres, et on nous a menacé», a-t-il raconté récemment à des journalistes. Beaucoup d'entre nous ont eu une fin amère et humiliante», a-t-il ajouté. «Personne n'était à nos côtés».

Baumann, qui après son emprisonnement avait été envoyé dans un bataillon disciplinaire sur le front Est, a fondé en 1990 le Fédération allemande des victimes de la justice nationale-socialiste pour obtenir l'annulation de toutes ces condamnations.

Depuis lors de nombreuses tentatives ont été faites pour faire adopter une législation par le parlement.

Les conservateurs avaient appelé à revoir «cas par cas» les condamnations plutôt que d'adopter une amnistie générale afin de déterminer quelles condamnations étaient «légitimes».

Mais pour les partisans d'une réhabilitation pleine, les lois militaires nazies constituaient des instruments même de la répression et ces lois étaient pour certaines tellement vagues qu'elles étaient ouvertes à toutes les interprétations.

Quelques jours après la commémoration solennelle en Pologne du début de la seconde guerre mondiale, le 1er septembre 1939, les députés s'apprêtent à tourner la page.

Pour M. Baumann, la désertion était motivée par l'empathie à l'égard des victimes du nazisme. «Je considérai à l'époque cette guerre comme criminelle, génocidaire», assure-t-il.

Arrêté un jour seulement après sa fuite, il fut condamné à mort mais sa peine fut commuée en 12 ans de prison et de camp de concentration, grâce à la fortune de son père. Il fut ensuite incorporé dans un «bataillon disciplinaire» déployé sur le front de l'est.

En 1990, il a fondé la Fédération allemande des victimes de la justice militaire du national socialisme, et se bat depuis pour cette réhabilitation

Une campagne est également en cours en Autriche pour réhabiliter les quelque 1.200 à 1.400 Autrichiens condamnés à mort par les nazis pur désertion, et obtenir que leur soit ériger un mémorial comme celui inauguré mardi à Cologne (ouest de l'Allemagne).