Le ministre russe de l'Intérieur, Rachid Nourgaliev, a demandé vendredi de prendre des mesures de sécurité supplémentaires dans le Caucase russe pour la rentrée scolaire le 1er septembre, jour du cinquième anniversaire de la prise d'otages à Beslan.

«L'année scolaire commencera cette année dans des conditions difficiles sur fond d'intensification de l'activité des groupes de bandits clandestins», a souligné M. Nourgaliev, cité par l'agence Interfax. Il a rappelé les récents attentats commis en Ingouchie, en Tchétchénie et au Daguestan, où plusieurs dizaines de personnes ont été tuées au cours des dernières semaines.

Cinq ans après la prise d'otage de l'école de Beslan, qui a fait plus de 330 morts, la Russie n'a toujours pas réussi à juguler les violences dans le Caucase du Nord, dont la récente recrudescence conduit certains experts à redouter de nouvelles attaques d'envergure.

Depuis la première guerre de Tchétchénie (1994-96) la Russie avait enregistré une série d'opérations spectaculaires organisées par des séparatistes, mais la prise en otage le 1er septembre 2004 de centaines d'enfants, enseignants et parents le jour de la rentrée des classes avait constitué un pas de plus dans la terreur.

À l'issue de trois jours de face à face, les forces russes interviennent. Le bilan est effroyable: 332 morts, parmi lesquels 186 enfants.

«Les gens qui étaient là vont revivre cette tragédie jusqu'à la fin de leurs jours», estime, dans un entretien à l'hebdomadaire Vlast, Taïmouraz Mamsourov, président de la république d'Ossétie du Nord, où se situe Beslan.

D'autant que les zones d'ombre restent nombreuses, sur les circonstances de l'intervention des forces russes ou la corruption qui aurait facilité les déplacements du commando.

«Tant qu'il n'y aura pas eu un procès (...), chacun a droit à sa version des faits et personne n'a droit à la vérité», relève M. Mamsourov.

Cinq ans après, nombreux sont ceux à penser que cette «vérité» ne sera jamais connue et à redouter l'éventualité de nouvelles attaques.

Car après une période où Moscou semblait en passe d'éliminer la rébellion en Tchétchénie et dans le Caucase en général, ces derniers mois ont vu la multiplication des attaques par une nouvelle génération d'insurgés, guidés non plus par le séparatisme tchétchène mais par un islamisme radical. La sécurité sera d'ailleurs renforcée dans la région mardi, une nouvelle fois jour de rentrée.

«Il n'y a plus de revendications politiques, de séparatisme, les terroristes n'exigent plus rien, ils veulent juste détruire l'ordre mondial», dit Alexandre Konovalov, de l'Institut des évaluations stratégiques.

Même constat chez Oleg Orlov, président de l'organisation de défense des droits de l'homme Mémorial: «Ce sont les extrémistes qui ont pris le dessus dans la lutte clandestine. La place des séparatistes (...) a été prise par ceux qui veulent réaliser leur utopie d'un État islamiste dans le Caucase».

Et d'avertir que «la répétition de crimes horribles comme Beslan est possible, étant donné que nous voyons depuis plusieurs mois une flambée des actes de terrorisme».

Ces trois derniers mois, pas moins de 259 personnes ont en effet été tuées, dont 109 policiers et militaires et 110 insurgés, selon un décompte de l'AFP. Deux militantes des droits de l'Homme ont été assassinées. Et sept attentats suicide ont été commis en Tchétchénie et en Ingouchie, une tactique presque disparue ces dernières années.

Moscou, qui en début d'année vantait encore le succès de sa politique caucasienne, mettant fin en avril à une décennie «d'opération antiterroriste» en Tchétchénie, semble maintenant désemparé.

M. Orlov craint dès lors une répression accrue, qui pourrait à son tour renforcer les insurgés, malgré l'intention affichée du Kremlin de lutter contre la pauvreté et la corruption, terreau de recrutement.

«Les terroristes gagnent du terrain, alors que les autorités s'éloignent de plus en plus de la société», regrette-t-il.

Le président ingouche Iounous-Bek Evkourov, un des rares responsables de la région dont les ONG saluent l'action, lui-même grièvement blessé en juin dans un attentat suicide, est également inquiet.

«Ils ont réussi à déstabiliser en partie la situation, et pas seulement en Ingouchie, mais dans l'ensemble du Caucase», reconnaissait-il lundi dans Vlast.