Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahi, le Libyen condamné pour l'attentat de Lockerbie, a été accueilli en héros jeudi soir en Libye après sa libération pour raisons médicales par le gouvernement écossais, une décision qui a suscité les critiques de Washington.

M. Megrahi est arrivé à 14H30 (HAE) à l'aéroport de Tripoli à bord d'un avion spécialement affrété par la Libye. Habillé d'un costume noir, il est sorti de l'avion avec Seif Al-Islam, un des fils du dirigeant Mouammar Kadhafi, qui lui tenait la main.

Ils ont été accueillis par des centaines de personnes agitant des drapeaux libyens et écossais alors que des haut-parleurs diffusaient l'hymne national.

Les Etats-Unis, qui avaient jugé que c'était «une erreur» de libérer le Libyen, avaient appelé peu avant Tripoli à ne pas l'accueillir en héros.

Selon une source proche de la délégation accompagnant M. Megrahi d'Ecosse en Libye, celui-ci devait assister à un grand rassemblement au coeur de Tripoli, auquel participerait également Seif Al-Islam.

«C'est ma décision que M. Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahi, condamné en 2001 pour l'attentat de Lockerbie et actuellement en phase terminale d'un cancer de la prostate, soit libéré pour des raisons médicales et autorisé à rentrer en Libye pour y mourir», a annoncé vers 08h00 (HAE) le ministre écossais de la Justice, Kenny MacAskill.

Quelques heures plus tard, l'ancien détenu gravissait les marches le menant à bord de l'avion, lentement et avec une canne. Selon le corps médical, Megrahi, 57 ans, n'a pas plus de trois mois à vivre.

M. Megrahi avait été condamné en 2001 à la prison à vie avec une peine de sûreté de 27 ans par des juges écossais à l'issue d'un procès aux Pays-Bas. La sentence avait été confirmée en appel en 2002.

Le Boeing 747 de la compagnie américaine Pan Am avait explosé, le 21 décembre 1988, au-dessus du village écossais de Lockerbie. 270 personnes avaient péri, en majorité des Américains.

«Je suis évidemment très soulagé de quitter enfin ma cellule», a déclaré M. Megrahi dans un communiqué lu par son avocat. Mais il a continué à plaider son innocence, qualifiant sa condamnation de «rien de moins qu'une honte».

«Cette épouvantable épreuve ne prendra pas fin avec mon retour en Libye. Elle pourrait même ne pas prendre fin avant ma mort», a-t-il ajouté.

Le président américain Barack Obama a souhaité jeudi que la Libye l'assigne à résidence.

«Nous sommes en contact avec le gouvernement libyen et nous voulons être sûrs (...) qu'(il) n'est pas accueilli chaleureusement mais au lieu de cela qu'il sera assigné à résidence», a-t-il dit.

Un porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley, avait indiqué plus tôt que les Etats-Unis allait «regarder de près pour voir comment la Libye réagit». «C'est quelque chose qui pourrait potentiellement affecter notre relation future».

Les familles américaines de victimes, elles, ont laissé éclater leur colère.

«C'est un scandale, et les Etats-Unis auraient pu faire usage de davantage de pression», a déclaré sur CNN Susan Cohen, dont la fille de 20 ans avait été tuée dans l'attentat.

La remise en liberté de Abdelbaset Megrahi marque une nouvelle étape dans le réchauffement des relations entre la Libye et l'Occident, qui s'est accéléré après le renoncement de Tripoli aux armes de destruction massive en 2003 et le versement de compensations aux familles des victimes de l'attentat.

Les experts rappellent que la Libye détient les plus grandes réserves de pétrole prouvées d'Afrique et que d'importants contrats d'exploration ont été signés avec des compagnies britanniques.

La Ligue arabe a salué cette libération, exprimant l'espoir qu'elle «ouvre une nouvelle page dans la crise de Lockerbie et que la Libye obtienne des dédommagements pour les souffrances qu'elle a endurées pendant des années en raison» de cette crise.