En France, c'est connu, on ne badine pas avec le vin. Ni avec les demandes d'accommodements culturels, qui sont généralement mal reçues par un État qui a fait de la laïcité une règle quasi... sacrée.

Un incident diplomatique survenu à l'Élysée en mai dernier, à l'occasion de la visite du premier ministre irakien Nouri al-Maliki, est venu rappeler ces quelques réalités.

 

Un journaliste du quotidien Le Figaro, Georges Malbrunot, raconte sur son blogue que le chef de cabinet d'al-Maliki, musulman chiite observant, a exigé qu'aucun «vin impie» ne soit servi à un déjeuner officiel. Les responsables français ont refusé d'obtempérer et le repas a tout simplement été annulé.

«Nous avons commis une erreur. On aurait dû signaler ce détail au protocole avant le repas», a déclaré par la suite un diplomate irakien cité par le journaliste.

Un incident similaire était survenu à la fin des années 90, lors de la visite du réformateur iranien Mohammad Khatami. Selon M. Malbrunot, la possibilité que le vin soit caché dans des armoires pendant le repas avait alors été discutée sans qu'on trouve de compromis.

La Presse a tenté en vain d'obtenir confirmation auprès de l'Élysée de l'incident avec le premier ministre irakien et des raisons exactes de l'attitude des autorités françaises.

La majorité des lecteurs qui ont réagi au blogue approuvent la décision de ne pas retirer le vin. «La seule et unique solution diplomatique est simple: vous êtes le bienvenu mais n'oubliez pas de respecter nos coutumes et notre culture», écrit l'un des intervenants.

Un lecteur anglais se réjouit de son côté de l'attitude française, relevant que son «stupide gouvernement» aurait caché le vin, «même si c'est notre pays et nos règles». «Vive la France!» ajoute un internaute allemand.

L'incident survenu à l'Élysée rappelle la controverse survenue au Québec en 2007 alors que la question des accommodements raisonnables occupait une large place dans les médias.

Un imam controversé, Saïd Jaziri, avait soulevé la polémique en refusant de participer à une table ronde pour TV5 si du vin était servi à table. Les autres participants ont donc été contraints de se lever au besoin pour aller boire dans la cuisine pendant l'émission.

L'incident avait été vertement dénoncé par le chroniqueur Michel Vastel, entre autres, qui a accusé la chaîne se de plier à la fatwa de l'imam et de faire passer «les Québécois pour des crétins aux yeux du monde entier». D'autres observateurs avaient plutôt montré du doigt les médias, qu'ils avaient accusés de verser dans le sensationnalisme en choisissant un invité peu représentatif de la communauté musulmane.

La France se montre généralement moins réceptive que les pays anglo-saxons et le Québec à propos de ce type de requête. Il est par exemple interdit aux employés de l'État mais aussi aux élèves qui fréquentent le réseau scolaire public de porter tout signe religieux ostensible - y compris le voile islamique.

Une loi très restrictive à ce sujet avait été adoptée il y a quelques années à la suite d'une vaste polémique sur le port du voile.

La légalité de la démarche française dans ce domaine a été reconnue il y a quelques semaines par la Cour européenne des droits de l'homme, qui a déclaré irrecevables des plaintes présentées au nom d'élèves musulmans ou sikhs exclus de leur établissement en raison du port du voile ou du turban.

Le tribunal a conclu que «les impératifs de protection des droits d'autrui et de l'ordre public» qui ont motivé les exclusions justifiaient l'empiétement sur le droit à la liberté religieuse des élèves.