Le tout nouveau Parlement européen, qui pourrait voir bientôt ses pouvoirs accrus, entame mardi à Strasbourg cinq années de travaux législatifs en faisant entendre sa voix au sujet du futur président de la Commission européenne.

Contrecarrant les plans de l'actuel chef de l'exécutif européen José Manuel Barroso, candidat sans rival à sa succession, choisi par les dirigeants de l'UE, les eurodéputés ont refusé de le reconduire dans ses fonctions dès leur séance inaugurale prévue du 14 au 16 juillet.

La plénière des 736 nouveaux parlementaires aura pour objectif d'élire leur propre président --l'ex-Premier ministre polonais Jerzy Buzek sera plébiscité--, ainsi qu'une armée de vice-présidents, puis de répartir les eurodéputés au sein de commissions thématiques.

La reconduction de l'ex-Premier ministre portugais Barroso, au bilan mitigé, est repoussée à l'automne.

A condition toutefois qu'il présente un programme politique détaillé et convaincant, exigent socialistes et libéraux. Sa famille conservatrice ne dispose pas à elle seule d'une majorité suffisante pour l'adouber et doit trouver des alliés.

En refusant de se laisser dicter le calendrier, la majorité du Parlement refuse plus largement d'être une simple chambre d'enregistrement des propositions de la Commission européenne (qui initie les lois et veille à leur respect) et du Conseil des 27 Etats (qui se prononce sur les textes en parallèle avec le Parlement).

«Le Parlement assume petit à petit son rôle» de représentant des citoyens européens qui l'ont élu, constate Julia de Clerck-Sachsse, analyste au Centre pour les études de politiques européennes.

La précédente équipe parlementaire s'était déjà illustrée en rejetant en 2004 le choix de l'Italien Rocco Buttiglione comme commissaire européen à la Justice, heurtée par ses visions jugées rétrogrades sur l'homosexualité.

Elle a joué un rôle essentiel pour fortement corriger des textes, comme «la directive Bolkestein» sur la libéralisation des services, qui avait déchaîné les passions.

«Le Parlement anticipe désormais ses nouveaux pouvoirs», estime aussi la chercheuse.

Le «traité de Lisbonne», censé permettre à l'UE de fonctionner plus efficacement à 27 pays, est fermement soutenu par le Parlement. S'il est ratifié par tous les pays, dont les Irlandais qui se prononceront à nouveau par référendum le 2 octobre, le texte va lui permettre d'être quasiment mis sur un pied d'égalité avec le Conseil.

Le nombre de ses domaines d'action doublera dans ce cas. Les eurodéputés, aujourd'hui simplement consultés sur des projets dans l'agriculture, la pêche ou encore certains dossiers de justice, auront à l'avenir un vrai pouvoir pour les amender.

«C'est bien de contester M. Barroso pour qu'il n'y ait pas de fait accompli, et le forcer à présenter un programme politique. Mais contester sans alternative, ça n'a pas le même impact», tempère néanmoins Julia de Clerck-Sachsse.

Les socialistes européens, deuxième force du Parlement après les conservateurs, et grands perdants des élections européennes de juin, n'ont en effet jamais présenté de candidat alternatif.

Seuls les écologistes et certains Libéraux n'ont pas totalement perdu espoir de faire émerger une candidature rivale à M. Barroso d'ici l'automne.

De même, les socialistes (184 sièges) viennent de renouveler un pacte avec les conservateurs (265 sièges) pour se partager le poste de président du Parlement pour le mandat à venir, jetant le doute sur sa volonté réelle d'opposition parlementaire.

Mardi, le Parlement élira pour la première fois un élu de l'Est, le conservateur Buzek. Au bout de deux ans et demi, les socialistes placeront leur champion, probablement l'Allemand Martin Schultz.