Hier dominants sur la scène mondiale, les riches pays du G8 sont maintenant contraints de faire de la place aux pays émergents qui les ont rejoints jeudi lors du sommet de L'Aquila.

Le groupe des huit ou «G8» rassemble les États-Unis, le Japon, le Canada, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Russie.Ce club très fermé, constitué dans les années 1970 à la suite des chocs pétroliers pour mieux coordonner les politiques économiques des pays démocratiques les plus industrialisés, voit sa domination sapée par des économies émergentes telles que la Chine, le Brésil et l'Inde.

Nombreux sont ceux qui pensent, comme la chancelière allemande Angela Merkel le formulait récemment, que «les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne peuvent plus être résolus par les seuls pays industrialisés.»

Dans un communiqué, les grands pays émergents du G5 (Chine, Inde, Afrique du Sud, Brésil et Mexique), ont réclamé mercredi «une nouvelle gouvernance globale basée sur le multilatéralisme.»

Mais esquisser la relève du G8 tourne rapidement au casse-tête mathématique.

Le président français Nicolas Sarkozy s'y est essayé lors d'une conférence de presse mercredi: «Est-ce qu'il faudra passer du G8 au G20 en faisant l'économie de l'étape G14, je ne sais pas. Est-ce à dire que le G8 va disparaître, non, on peut parfaitement imaginer de se réunir pendant deux jours et demi en G14 avec à l'intérieur des deux jours et demi une journée en G8 et une journée en G6.»

Saisissant le désarroi des journalistes, M. Sarkozy a ajouté: «Vous me regardez avec des yeux où l'étonnement se dispute avec la perplexité pourtant dans mon esprit c'est assez clair.»

Jeudi, le sommet de l'Aquila a opté pour le «G14»: l'addition «G8 + G5 + 1», ce dernier invité étant en l'occurence l'Égypte.

Mais cette équation laisse de côté de nombreux poids lourds économiques en Afrique, Amérique Latine, Asie et monde arabe.

D'où l'ascension fulgurante ces derniers mois du «Groupe des 20» (G20), qui rassemble le G8, le G5, l'Argentine, l'Australie, l'Indonésie, l'Arabie Saoudite, la Corée du Sud, la Turquie et l'Union européenne.

Depuis le début de la crise économique, c'est bien le G20 qui a pris les manettes et le G8 prend de plus en plus l'allure de la «réunion préparatoire» que veut déjà y voir Mme Merkel.

Une opinion partagée par les Américains et les Britanniques.

Le G8 de l'Aquila «tombe pile entre le G20 de Londres et celui qui aura lieu à Pittsburgh fin septembre», a dit Michael Froman, conseiller du président Barack Obama sur les questions de sécurité. «Il s'agira plutôt d'échanger nos points de vue à mi-parcours que de fournir des décisions spécifiques.»

La Grande-Bretagne a elle aussi fait savoir que le sommet de l'Aquila serait «tout au plus une réunion d'étape.»

Dans ce concert, une voix discordante: celle du Japon, peut-être moins attaché au G8 que sceptique sur le rang à accorder à la Chine.

«Les pays du G8 sont définis comme des démocraties industrialisées» a dit Kazuo Kodama, porte-parole du gouvernement japonais, à quelques journalistes. «La Chine a son propre système politique, mais pouvons-nous la qualifier de démocratie?»

Tokyo craint aussi qu'un élargissement du cercle du G8 ne sape son efficacité: «Un groupe de vingt pays peut-il avoir une discussion sérieuse en une heure?», s'est interrogé M. Kodama, faisant référence à la durée prévue pour le déjeuner mercredi des membres du G8.

Même à huit, l'harmonie est difficile à atteindre, comme en témoigne l'attitude de la Russie face à la déclaration finale du G8 sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui a été signée par le président Dmitri Medvedev puis dénoncée par l'un de ses conseillers.