La justice bulgare a ordonné jeudi la remise en liberté d'Agim Ceku, ancien chef de la guérilla albanaise du Kosovo et ancien Premier ministre kosovar, détenu pendant deux jours en Bulgarie en vertu d'un mandat international émis par la Serbie qui le réclame pour crimes de guerre.

M. Ceku a pu quitter immédiatement le tribunal de Kustendil, dans l'ouest de la Bulgarie, à l'issue d'une audience destinée à décider de son maintien en détention ou de sa libération, a constaté un photographe de l'AFP présent sur place.

Il avait été arrêté mardi à la frontière entre la Macédoine et la Bulgarie, où il avait été invité par le député et ancien ministre des Affaires étrangères Solomon Passi.

Selon la radio nationale, M. Ceku n'est cependant pas autorisé à quitter la Bulgarie avant le 2 juillet, date jusqu'à laquelle le parquet peut faire appel de la décision.

Un tel appel apparaît toutefois peu probable, le procureur régional, Kamen Pechev, n'ayant pas requis de maintien en détention, selon l'agence Focus. Il a relevé «un manque de preuves que M. Ceku ait commis les crimes dont il est accusé» et a estimé que la Serbie n'était pas compétente pour le juger.

M. Ceku est accusé par Belgrade, qui réclame son extradition, d'avoir perpétré des crimes de guerre en Croatie, pendant la guerre d'indépendance (1991-1995), et au Kosovo, où il dirigeait la guérilla albanaise pendant le conflit de 1998-1999.

Au cours de l'audience jeudi, M. Ceku, qui comparaissait sous forte protection policière, a rejeté les accusations serbes en soulignant que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) n'avait retenu aucune charge contre lui.

«Je ne suis pas un citoyen serbe et ne l'ai jamais été. La Serbie ne peut demander que l'extradition de ses propres ressortissants», a-t-il ajouté.

Selon les médias bulgares, ses avocats ont produit une lettre du Premier ministre kosovar Hashim Thaci stipulant que M. Ceku bénéficie du statut diplomatique.

Ils ont également produit une attestation de l'ONU précisant qu'il relevait de la juridiction de la Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK), selon ces sources.

La Serbie a critiqué la décision de la justice bulgare. «Une fois de plus, la politique l'emporte sur le droit international», a déclaré jeudi soir le secrétaire d'Etat serbe à la Justice, Slobodan Homen, à l'agence de presse Tanjug.

Mercredi, M. Homen avait indiqué que Belgrade comptait sur une extradition rapide. «Nous nous attendons à ce que la justice bulgare décide, dans le délai le plus rapide, de l'extrader vers la Serbie, car il est accusé du meurtre de 669 Serbes et autres non-Albanais», avait-il dit.

Jeudi, malgré la décision bulgare, le responsable serbe s'est montré confiant pour l'avenir. Agim Ceku «sera tôt ou tard à la disposition de la justice serbe», a-t-il déclaré.

M. Ceku avait déjà été brièvement interpellé en 2003 en Slovénie et en 2004 en Hongrie.

Début mai, il avait été expulsé de Colombie sur la base du mandat d'arrêt serbe. La France, par laquelle il avait transité à son retour, n'y avait pour sa part pas donné suite, selon la presse croate.

M. Ceku, 48 ans, avait quitté son poste de général dans l'armée croate en février 1999 pour rejoindre l'Armée de libération du Kosovo (UCK), la guérilla indépendantiste albanaise, dont il fut le commandant suprême.

Il a été Premier ministre du Kosovo d'avril 2006 à novembre 2007.

Pristina a proclamé unilatéralement l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008. Reconnue par 60 pays, dont la Bulgarie, cette indépendance est rejetée par la Serbie.