Un Mitterrand dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy: le président français franchit une nouvelle étape dans sa politique d'«ouverture» en nommant Frédéric Mitterrand, neveu de l'ex-chef de l'Etat socialiste, dans le gouvernement qui devait être remanié au plus tôt mardi.

Sa désignation comme ministre de la Culture, qui a créé la surprise, n'a filtré qu'après que Frédéric Mitterrand eut annoncé mardi matin son départ à ses collaborateurs de la Villa Médicis, un prestigieux centre culturel français à Rome, dont il était le directeur depuis septembre 2008.

Interrogé dans la foulée par la chaîne publique France 2, Frédéric Mitterrand a confirmé l'information. De son côté, la présidence française s'est refusée à tout commentaire.

Au journaliste qui lui demandait: «Quel ministre de la Culture serez-vous?», M. Mitterrand a répondu depuis Rome: «Je ne peux pas vous répondre encore. On le saura peu à peu». Il s'agit d'«une tâche exaltante et d'un honneur», a-t-il ajouté.

Et à la question: «Un Mitterrand, ministre du gouvernement Sarkozy, c'est assez étonnant?», il a répondu: «Sarkozy a bien été ministre au temps de Mitterrand».

L'actuel président a, en effet, été ministre du Budget de 1993 à 1995 mais il s'agissait d'un gouvernement de «cohabitation» avec un Premier ministre de droite, Edouard Balladur, et un président socialiste, François Mitterrand.

L'arrivée de Frédéric Mitterrand, 61 ans, au gouvernement est une nouvelle illustration de la volonté «d'ouverture» de Nicolas Sarkozy à des ministres étrangers à son camp politique. Le plus médiatisé d'entre eux reste le chef de la diplomatie, l'ex-socialiste Bernard Kouchner.

Une politique qui ne cesse de déstabiliser le parti socialiste, divisé et affaibli par l'accumulation des revers électoraux.

Un ministère pour un Mitterrand relève néanmoins plus du symbole que d'une réelle ouverture à gauche, le neveu de l'ancien président socialiste (1981-1995) étant inclassable en politique.

Malgré son nom, il a refusé de céder aux sirènes du socialisme sur les traces d'un oncle qu'il admire. Il a adhéré en juin 1993 au Mouvement des radicaux de gauche (MRG). Deux ans plus tard, en mai 1995, il apportait son soutien à Jacques Chirac, candidat de droite à la présidence de la République.

«Un Mitterrand n'en vaut pas un autre», a réagi le député socialiste Pierre Moscovici, soulignant comme la patronne du PS, Martine Aubry, que Frédéric Mitterrand «n'a jamais été socialiste».

Pour l'ancienne ministre de François Mitterrand, Elizabeth Guigou, «Sarkozy fait des coups pour créer la confusion. Il ne faut pas se laisser prendre à ce jeu, et traiter cela comme ça le mérite, comme une manoeuvre».

Né en 1947, Frédéric Mitterrand, homosexuel assumé, est un touche-à-tout culturel.

Il a réalisé de nombreux documentaires et films (Madame Butterfly, Lettres d'amour en Somalie ...) et animé plusieurs émissions de radio et de télévision. Directeur des programmes de la chaîne francophone TV5 de 2003 à 2005, il a écrit une dizaine d'essais et de romans, dont «La mauvaise vie» (2005), un récit autobiographique.

C'est déjà Nicolas Sarkozy qui l'a nommé à la tête de la Villa Médicis, qui accueille des artistes pensionnaires français ou francophones afin qu'ils se perfectionnent dans leur discipline.

L'arrivée de Frédéric Mitterrand au poste de Christine Albanel devrait être l'un des faits marquants du remaniement, qui vise notamment à remplacer Rachida Dati (Justice) et Michel Barnier (Agriculture), élus au parlement européen.

Le remaniement, annoncé pour mercredi par M. Sarkozy, pouvait intervenir mardi soir, selon plusieurs médias français.