Après avoir soulevé des vagues dans le monde musulman en interdisant le port du voile à l'école, la France songe maintenant à légiférer pour interdire la burqa sur son territoire.

Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a indiqué hier que l'Assemblée nationale pourrait procéder en ce sens si «on s'apercevait, très clairement, que le port de la burqa (est) subi et contraire aux principes républicains».

M. Chatel a donné du même coup un appui tacite à la démarche d'un groupe d'une soixantaine de députés d'allégeances politiques diverses qui réclament la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le sujet.

«Une prison ambulante»

L'initiative, qui reçoit un large écho dans les médias français, a été mise de l'avant par le député communiste André Gerin.

Il compare la burqa, qui cache complètement la tête et le corps, à une «prison ambulante en tissu». «La vision de ces femmes emprisonnées... est totalement inacceptable sur le sol de la République française», estime l'élu.

M. Gerin relève que les administrations publiques éprouvent de plus en plus souvent des difficultés avec des femmes qui refusent de montrer leur visage pour procéder aux formalités requises au moment de la production de documents officiels.

«Ça ne peut pas continuer comme ça, on ne peut pas donner le sentiment que les pouvoirs publics sont indifférents ou aveugles», a confié au quotidien Le Parisien le politicien, qui présente son geste comme une «main tendue» à l'islam et aux femmes.

Certains spécialistes de l'islam avancent que le port de la burqa toucherait au plus quelques milliers de femmes en France, mais aucune donnée précise n'est disponible.

«Le cercueil qui tue»

Depuis deux jours, plusieurs membres du gouvernement sont intervenus en appui aux députés, y compris la secrétaire d'État à la Ville, Fadela Amara, qui a longuement milité au sein de l'association féministe Ni putes ni soumises.

«Je suis pour l'interdiction de ce cercueil qui tue les libertés fondamentales», a-t-elle indiqué, en relevant qu'il fallait à tout prix une loi «pour protéger les femmes».

Le ministre de l'Immigration, Éric Besson, a souligné de son côté qu'il lui semblait risqué de «toucher à l'équilibre» existant en légiférant sur une question aussi sensible.

Une pratique marginale

Le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui, estime qu'il est «choquant» que des députés veuillent amener l'Assemblée nationale à se pencher sur une pratique aussi «marginale». Le port de la burqa ne découle aucunement d'une «prescription religieuse», a précisé M. Moussaoui, qui accuse les élus de «stigmatiser l'islam et les musulmans» par leur démarche.

La première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a prévenu le gouvernement de ne pas se laisser tenter par une solution «simpliste».

«Si une loi interdit la burqa, ces femmes auront toujours la burqa, mais elles resteront chez elles et on ne les verra plus», dit-elle, évoquant un argument de stigmatisation qui avait souvent été avancé il y a cinq ans avant l'adoption de la loi interdisant le port du voile à l'école.

Le président français Nicolas Sarkozy, qui ne s'est pas prononcé cette semaine sur l'opportunité d'une commission d'enquête, avait soulevé des vagues au pays il y a quelques semaines en appuyant une intervention de son homologue américain, Barack Obama, sur la question de la liberté religieuse.

Le président des États-Unis avait souligné, au cours d'une allocution prononcée au Caire, que cette liberté devait s'étendre aux pratiques vestimentaires, incluant le voile.