Dominique Broueilh n'a pas pensé un instant qu'elle dépassait les bornes en écrivant, sur un site de partage de vidéos, que la secrétaire d'État à la Famille, Nadine Morano, était une "menteuse".

La mère de famille de 49 ans n'en croyait donc pas ses oreilles lorsqu'un policier de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) l'a appelée, il y a quelques semaines, pour la convoquer au commissariat.

L'officier agissait sur la base d'une plainte déposée quelques mois plus tôt par Mme Morano pour faire cesser les commentaires diffamatoires à son encontre sur les sites Dailymotion et YouTube.

"Je me suis dit que c'était une blague, que ce n'était pas possible d'être convoqué pour un petit mot de rien du tout", a expliqué, hier, Mme Broueilh, résidante du sud de la France.

"J'ai rappelé deux fois au poste en raccrochant chaque fois que j'entendais la voix du policier pour vérifier que c'était sérieux. Lorsque mon mari est arrivé à la fin de la journée, il ne le croyait pas non plus. Alors je lui ai donné le numéro et il a parlé à son tour avec le policier, qui lui a répété la même histoire", souligne-t-elle.

L'incrédulité a ensuite fait place à l'inquiétude, souligne Mme Broueilh, qui s'est empressée de raconter sa mésaventure à un quotidien régional. L'affaire a rapidement trouvé écho dans la presse nationale, embarrassant la secrétaire d'État.

Éviter la "dérive"

Dans un communiqué, la politicienne a souligné qu'elle était "très attachée à la liberté d'expression sur l'internet" et souhaitait uniquement, par sa plainte, viser les personnes ayant tenu à son encontre des propos "gravement injurieux".

Le commentaire de Mme Broueilh "reste évidemment admissible dans le périmètre de l'expression du débat démocratique", a précisé Mme Morano, qui a demandé à son avocat de préciser la portée de sa plainte pour éviter ce type de "dérive".

La politicienne avait affiché un ton nettement plus mordant en mars en commentant le dépôt de sa plainte, arguant qu'il n'était pas acceptable que l'internet puisse servir de "déversoir d'insultes".

"Je ne me suis pas engagée en politique pour me faire traiter de ''p...''. La liberté d'expression n'est pas la liberté d'insulter", avait-elle précisé, évoquant même un éventuel resserrement des lois régissant le contenu en ligne.

Elle a évoqué plus particulièrement à cette occasion la responsabilité des hébergeurs face au contenu des messages ou des vidéos mis en ligne par les internautes.

La loi sur la "confiance dans l'économie numérique" précise que les sites comme Dailymotion ou YouTube "ne sont pas soumis à une obligation de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des activités relevant des activités illicites".

Menteuse à répétition

Cette disposition visait notamment "à éviter une censure systématique des contenus" par les hébergeurs, qui doivent cependant retirer les contenus "manifestement" illicites lorsqu'ils sont avisés de leur présence.

Un attaché politique bien au fait des aspects juridiques du dossier a indiqué, hier, que nombre d'élus français voient l'internet comme une sorte de "Far West" électronique où pullulent les insultes proférées sous le couvert de l'anonymat. Et qu'ils ne prennent pas toujours, à ce titre, la mesure des enjeux de liberté d'expression sous-jacents.

Dans le cas de Mme Broueilh, l'histoire s'est finalement bien terminée puisqu'elle a été avisée par courriel, peu de temps après la mise au point de Mme Morano, que sa convocation policière était annulée.

La politicienne a aggravé la situation qu'elle souhaitait dénoncer puisqu'une foule d'internautes ont choisi, par provocation, de la traiter à leur tour de "menteuse" dans des messages placés en ligne.

Souvent en prenant soin de répéter le mot 10 fois plutôt qu'une pour bien souligner leur irritation.