Est-ce que ce sera le prochain «coup» de Nicolas Sarkozy?

Depuis deux semaines, le petit monde politico-médiatique parisien ne parle que de ça: l'entrée au gouvernement, au lendemain des élections européennes, d'un certain Claude Allègre, 72 ans, chercheur en géochimie de réputation internationale, mais aussi ancien ministre socialiste de l'Éducation de 1997 à 2000.

Une prise de gauche importante à première vue: Claude Allègre est une personnalité connue. Il a été militant socialiste pendant 34 ans. Puis l'un des ministres les plus influents du gouvernement de Lionel Jospin, dont il était l'ami intime depuis l'adolescence.

 

Mais est-ce vraiment une prise? Pour cause de caractère provocateur et imprévisible, Claude Allègre avait été un ministre de l'Éducation particulièrement détesté par les enseignants. Son ami Jospin avait dû se séparer de lui en 2000 pour calmer la tempête.

Très amer, Allègre avait à partir de ce moment commencé à tirer à boulets rouges sur la gauche. Et n'avait plus repris sa carte du PS. Cela fait plus de deux ans que Claude Allègre est donné volontaire pour devenir ministre de Sarkozy. Et qu'il n'est plus à gauche.

Ce qui alimente la controverse et les rumeurs tient plutôt à la personnalité même du bonhomme, à son caractère pour le moins impulsif, et à certaines de ses prises de position.

Claude Allègre a cette particularité - contre l'avis de l'immense majorité des scientifiques - de nier le phénomène du réchauffement climatique. Tout au plus admet-il qu'il y a «un changement climatique» aboutissant au développement des «phénomènes extrêmes».

«Le climat est un phénomène trop complexe, dit-il, pour qu'on puisse prédire son évolution dans un siècle.» Une prise de position iconoclaste qui est au centre de la polémique naissante au sujet de son entrée au gouvernement. Car la rumeur fait de lui un futur superministre de la Recherche, de l'Enseignement supérieur et peut-être de l'Industrie.

Une perspective qui fait bondir toutes les personnalités proches de l'écologie. À commencer par le plus populaire d'entre eux, l'ancien animateur Nicolas Hulot: «Sa nomination au gouvernement serait un bras d'honneur au monde scientifique», déclarait-il il y a quatre jours au Journal du dimanche. L'ancien premier ministre Alain Juppé, converti à l'écologie, estime que ce serait «un contre-signal formidable». Un autre écologiste de poids, Jean-Marc Jancovici, traite Allègre de «négationniste, de Faurisson du climat».

Nicolas Sarkozy, qui n'a jamais détesté les coups d'éclat, avait, de l'avis général, laissé filtrer la rumeur de cette nomination de manière à la tester auprès de l'opinion. Il n'est pas déçu: on en parle.

La question qui se pose aujourd'hui: ne serait-ce que par goût de la provocation, ira-t-il jusqu'au bout de son projet? Entre le plaisir de choquer et le risque de faire entrer un «incontrôlable» au gouvernement, son coeur, dit-on, balance.