Nicolas Sarkozy aura été le premier président français depuis trois ou quatre décennies à se faire élire sur un programme qui, à première vue, n'était pas démagogique.

Sans aller jusqu'à promettre, comme Churchill, «du sang, de la sueur et des larmes», il annonçait le temps des sacrifices pour certains et des réformes douloureuses, notamment pour les fonctionnaires et les enseignants.

Certes, les Français allaient «gagner plus», mais à condition de «travailler plus». Dans ce pays qui bat tous les records européens en matière de dépenses publiques - environ 54% du PIB -, un homme s'est fait élire avec un programme relativement clair de rigueur budgétaire et de réformes libérales de l'État et de l'économie.

Pour célébrer le deuxième anniversaire de sa victoire à la présidentielle - le 6 mai 2007 -, il s'est empressé de ne rien fêter du tout. Et s'est contenté de tenir mardi soir une grande réunion publique à Nîmes en vue des élections européennes de juin. De leur côté, les services de l'Élysée ont fait savoir qu'il n'y avait rien à signaler: «Le bilan de Nicolas Sarkozy se jugera sur cinq ans, et pas avant», répète-t-on dans l'entourage présidentiel.

Et en effet, il n'y a pas matière à pavoiser. Non pas que le bilan de Sarkozy, après deux ans au pouvoir, soit désastreux: il est insaisissable.

À l'image d'un sondage publié mercredi par Le Parisien. Les Français jugent Sarkozy «dynamique» (85%) «courageux» (73%), «sachant prendre des décisions difficiles» (66%). Ce qui est plus que flatteur. Mais 55% (près des deux tiers de ceux qui déclarent avoir une opinion) jugent qu'il «ne fait pas un bon président»!

Pour ajouter à la confusion, un autre sondage, concernant d'hypothétiques intentions de vote à un scrutin présidentiel, accorde 30% à Nicolas Sarkozy (autant qu'en avril 2007), très loin devant Ségolène Royal (21%).

Presque à mi-mandat, Sarkozy apparaît lui-même insaisissable. Le soir de son élection, il promettait de réformer la France en profondeur et à un rythme accéléré.

Deux ans après, le bilan est plus que mitigé. Dès juillet 2007, le gouvernement a décidé de réformer en profondeur l'université: autonomie des établissements, fin du diplôme national unique, partenariat avec le privé et le mécénat. De justesse, la réforme a été adoptée, mais amputée des deux tiers de son contenu.

Un scénario qui s'est répété par la suite: les régimes spéciaux de retraite, qui ont été supprimés mais au prix de concessions financières majeures, un service minimum dans les transports publics imposé aux syndicats, mais qui ne sera jamais appliqué. Sarkozy se présentait comme un libéral pur et dur, sur le modèle Thatcher: on a constaté qu'il savait louvoyer et battre en retraite aussi bien que Chirac.

D'une certaine manière, la crise économique a été pour lui une bouée de sauvetage: au milieu de la panique générale, les promesses du candidat Sarkozy ont été reléguées à l'arrière-plan. Plus personne ne fait attention au fait que le déficit public dépassera cette année les 5% du PIB, et que la dette publique devrait frôler les 80% à la fin du quinquennat, en 2012. Et personne non plus ne reproche au président d'avoir renoncé à ses réformes libérales.

Mais, sur le fond, rien ne va vraiment: les annonces de fermetures d'usine tombent à chaque semaine, les universités sont partiellement bloquées depuis quatre mois à propos d'une énième réforme... qui finira dans les oubliettes.

Dans le contexte actuel, Nicolas Sarkozy n'a certes plus les moyens d'envisager quelque grande réforme que ce soit. Et doit se contenter de naviguer à vue en tentant d'éviter le naufrage. Le bateau résiste un peu mieux que prévu dans la tempête. Mais sans plus. Et il n'y a pas d'éclaircie en vue.