A moins d'un mois des élections européennes, la campagne n'a que rarement commencé dans les 27 Etats membres de l'UE et les enjeux nationaux s'annoncent à nouveau prioritaires, cette fois en raison des difficultés économiques du moment.

Pourtant, constate Corinne Deloy, responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman, «loin de rejeter l'Europe, les partis et les populations semblent avoir compris que le niveau européen est le plus efficace pour combattre la crise».

C'est notamment le cas des Polonais, qui «savent ce qu'ils doivent à l'Europe mais n'ont pas l'impression que leur vote sera pris en compte lors de ce scrutin», explique cette chercheuse du principal centre d'études français sur l'Europe, interrogée par l'Associated Press. De fait, poursuit-elle, «on assiste dans ce pays, comme dans plusieurs autres, à une sorte de paradoxe: lutter contre la crise réclame plus d'Europe mais de là à se déplacer pour choisir des députés européens, il y a un pas difficile à franchir».

Corinne Deloy, qui a réalisé pour la Fondation Robert Schuman un «tour d'Europe des campagnes électorales» en vue de ces élections, constate cependant que «la plupart des grands partis nationaux mettent aujourd'hui en avant le fait que le niveau européen est celui qui permet le mieux d'agir, ce qui est nouveau».

De la CDU (Union démocrate-chrétienne) allemande, dont le slogan de campagne est «Une Europe forte, un avenir sûr», à l'UMP (Union pour un mouvement populaire, majorité) française, qui assure que «Quand l'Europe veut, elle peut», en passant par la Plateforme civique (PO) polonaise et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), l'accent est mis sur la nécessaire poursuite de la construction et de l'intégration européennes.

Reste que la campagne tarde à démarrer, sauf en Allemagne et en Bulgarie, où les électeurs s'intéressent aux élections... législatives qui suivront de près le scrutin européen (le 27 septembre en Allemagne, au plus tard le 5 juillet en Bulgarie).

«C'est inquiétant mais plutôt habituel», analyse Corinne Deloy, également chargée d'études à Institut d'études politiques de Paris. «Inquiétant parce qu'on anticipe déjà une faible participation. Habituel parce que la participation aux élections européennes baisse depuis 30 ans.»

Cinq ans après l'élargissement de 2004, qui avait vu dix nouveaux Etats, principalement d'Europe de l'Est, intégrer l'UE, des pays comme l'Estonie, la Lettonie ou la Slovaquie tentent de mobiliser leur opinion sur la participation. «Ils ont à coeur de ne pas être les petits moutons noirs de l'Union et il y a une vraie campagne dans ce sens», constate Mme Deloy. «Par rapport à la France ou à l'Espagne, ces pays récemment entrés sont très motivés par la Journée de l'Europe», qui, chaque 9 mai, commémore la déclaration du ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman jetant les bases de la future Communauté économique du charbon et de l'acier (CECA), ancêtre de l'UE.

Si les européennes sont encore peu visibles dans l'actualité politique des Vingt-Sept, certains mouvements ouvertement anti-européens sont, eux, déjà mobilisés, à l'instar du Mouvement du peuple contre l'Union européenne, au Danemark, de la Liste de Juin, en Suède, et du Parti national britannique. «Ils démarrent plus tôt que les autres parce que leur objectif est clairement de sortir de l'Union et qu'il est rendu populaire par la crise économique», observe la chercheuse de la Fondation Robert Schuman.

Les enjeux nationaux primant sur les questions européennes, le traité de Lisbonne ne devrait être débattu que dans un seul Etat membre, l'Irlande, qui est appelée à revoter à l'automne sur le texte constitutionnel après avoir dit «non» au référendum de 2008.

Ce traité, qui vise à améliorer le fonctionnement de l'Union européenne, vient d'être ratifié par les sénateurs de la République tchèque, dernier pays de l'UE à se prononcer sur le document, mais il manque encore la signature du président polonais, particulièrement eurosceptique.   «Dans bon nombre des Etats, on a l'impression qu'il s'agit d'une affaire déjà réglée. Or il n'en est rien», beaucoup d'obstacles restant à franchir pour ratifier ce traité qui «accorderait des pouvoir élargis au Parlement européen» et augmenterait le nombre de ses députés.

En France, par exemple, «il y a aurait cinq députés supplémentaires et on ne sait pas encore où on irait les chercher», explique Corinne Deloy, regrettant un certain «manque de limpidité» dans ce projet de réforme institutionnel. «Pas simple de s'y retrouver pour les électeurs...» AP