Des hommes masqués ont fait irruption lors d'une cérémonie de mariage dans un village kurde reculé du sud-est de la Turquie, tuant 44 personnes au fusil d'assaut, pour la plupart des femmes et des enfants, ont annoncé mardi les autorités.

Huit hommes ont été arrêtés à la suite de ce massacre dans le village de Bilge, situé dans la province de Mardin, qui serait la conséquence d'une rivalité entre familles, a indiqué le ministre de l'Intérieur Besir Atalay.

Quatre homme masqués sont entrés dans le village, venus de différentes directions, lundi tard dans la soirée, juste après qu'un religieux musulman eut terminé la cérémonie de mariage. Ils ont ouvert le feu sur la foule, ont expliqué des témoins à l'AFP.

Puis ils ont fait irruption dans plusieurs maisons, en continuant à tirer.

Les assaillants ont traîné des femmes et des enfants dans une pièce et les ont arrosés de balles, a expliqué une femme de 19 ans, selon un compte-rendu des faits établi par un responsable local.

De premiers témoignages avaient fait état de l'usage de grenades, mais un responsable local a déclaré à l'agence de presse Anatolie que les meurtriers n'ont utilisé que des fusils d'assaut.

Les attaquants ont pris la fuite à la faveur de la nuit et d'une tempête de sable qui s'était levée, dans cette région proche de la frontière syrienne.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que six enfants, 17 femmes et 21 hommes avaient été tués. Trois autres villageois ont été blessés, a-t-il dit.

Les deux fiancés, les parents du jeune homme et sa soeur de quatre ans, et l'imam du village ont tous été tués, selon les autorités.

Le ministre de l'Intérieur a affirmé que ce drame n'a aucun lien avec le terrorisme - faisant allusion à la rébellion armée kurde dans la région - et qu'il semblait lié à une vieille rivalité entre villageois.

«Selon les premières constatations, cette attaque est le résultat d'une haine entre familles», a déclaré le ministre à la presse.

Les huit hommes arrêtés appartiennent à la même famille, a-t-il ajouté.

Les rivalités sanglantes sont courantes dans les régions kurdes de Turquie, où perdurent des traditions moyenâgeuses. L'usage des armes à feu est fréquent, lors de disputes pour des terres, des dettes impayées, ou des accusations d'enlèvements de jeunes filles entre clans rivaux.

Les villageois de Bilge donnaient mardi différentes explications au drame.

Cemil Gur a ainsi affirmé à l'AFP qu'il y avait une dispute «depuis deux ans» entre deux familles concernant des enclos destinés à l'élevage de truites.

«On n'aurait jamais pensé que les choses iraient aussi loin», a-t-il déclaré.

L'agence Anatolie cite pour sa part des habitants qui affirment que la dispute entre les familles durait depuis 20 ans.

Des soldats ont bouclé le village de Bilge immédiatement après l'attaque et en filtraient les entrées et les sorties, fouillant également les alentours, à la recherche d'explosifs, selon un correspondant de l'AFP.

Des pelles mécaniques sont arrivées sur place mardi matin pour creuser des tombes pour les victimes, alors que les survivants pleuraient leurs morts, dans le village. Les journalistes étaient tenus à l'écart, à environ 500 mètres de l'entrée du village.

Environ 300 personnes vivent à Bilge, et de nombreux hommes appartiennent aux Gardiens de villages, une milice armée par le gouvernement qui vient en aide à l'armée, dans sa lutte contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Le PKK, qui est considéré comme une organisation terroriste en Turquie et dans plusieurs autres pays, est en guerre depuis 24 ans contre le régime d'Ankara. Quant aux Gardiens de villages, ils ont été souvent accusés de trafic de drogue, d'enlèvements et de meurtres.