Durban II vouée à l'échec avant même d'avoir commencé? Après le fiasco de la première édition, la deuxième conférence des Nations unies sur le racisme s'ouvre lundi à Genève sur fond de boycotts de plusieurs pays, dont les États-Unis, qui craignent qu'elle serve uniquement de plate-forme aux pays musulmans pour s'en prendre à Israël et interdire toute critique de la religion.

Après l'annonce samedi de la non-participation des États-Unis, le flou régnait dimanche quant à la présence de plusieurs pays européens à l'ouverture des débats lundi au Palais des nations à Genève. Si les Pays-Bas ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils boycotteraient la conférence, jugeant «inacceptable» le projet de déclaration finale, d'autres pays de l'Union européenne tentaient encore de faire bouger les lignes avant de faire connaître leur décision. C'était le cas de la France, qui, selon le Quai d'Orsay, devait faire part de sa position dimanche dans la soirée. En début d'après-midi, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a jugé «important de présenter un front commun de l'Europe», ce qui n'est «pas encore fait».

Selon le porte-parole des droits de l'homme Rupert Colville, l'Allemagne a informé dimanche l'ONU qu'elle ne participerait pas. Ce que le porte-parole de la diplomatie allemande a démenti, expliquant que la décision définitive serait prise dans la soirée.

Le front européen souhaité par Bernard Kouchner semblait difficilement possible. D'abord parce que la présidence tchèque de l'Union européenne a estimé que la décision de participer ou non revenait à chacun des États membres, et qu'une position commune pourrait ne pas être arrêtée. Et également parce que l'Italie et les Pays-Bas ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne feraient pas le voyage de Genève.

Pour sa part, la Grande-Bretagne va envoyer en Suisse une délégation de diplomates dirigée par son ambassadeur aux Nations unies à Genève, Peter Gooderham. «À ce stade, nous allons y aller, mais nous surveillerons la conférence, nous ne voulons pas d'une déclaration finale qui soit faussée», a expliqué un porte-parole du Foreign Office tenu à l'anonymat, précisant que Londres s'opposerait à «une tentative inacceptable de nier l'Holocauste».

Durban II, également boycottée par Israël et le Canada, a pour but de mesurer les progrès accomplis en matière de lutte contre le racisme depuis la première réunion de ce type il y a huit ans en Afrique du Sud. Mais, du fait de la présence de nombreux dirigeants musulmans, parmi lesquels l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad, les pays occidentaux craignent que la conférence ne serve de forum mondial à la critique d'Israël, et s'opposent au concept de «diffamation de religion» que les pays islamiques ont un moment souhaité inclure dans la déclaration finale.

La première conférence de Durban avait été le théâtre de controverses du même type. Les États-Unis et Israël avaient claqué la porte avant la fin, hostiles à un avant-projet de déclaration qui critiquait l'État hébreu et assimilait le sionisme à du racisme. Ces deux éléments ne figuraient pas dans le communiqué final, qui s'était contenté d'évoquer la «détresse des Palestiniens» et le droit d'Israël à la sécurité. Le projet de déclaration de Durban II ne mentionne pas nommément Israël, mais conserve la référence à la ôôdétresse des Palestiniens».

De plus, pour de nombreux pays, le concept de «diffamation de la religion» équivaudrait à une interdiction de critiquer l'islam et représenterait, de fait, une limitation de la liberté d'expression. Les références directes à la «diffamation de religion» et à Israël ont toutefois été abandonnées le mois dernier lors des débats préparatoires, mais elles pourraient réapparaître dans le document final, à moins qu'un consensus ne soit trouvé entre toutes les parties.

Après avoir laissé planer le doute sur leur présence, les États-Unis ont annoncé samedi «avec regret» qu'ils ne se rendraient pas à Genève. La haute commissaire des Nations unies pour les droits de l'Homme Navi Pillay, qui présidera la conférence Durban II, s'est déclaré «choquée et profondément déçue» par la décision de Washington.

Le pape Benoît XVI a, quant à lui, salué la tenue de la conférence, disant espérer que les participants travaillent «avec un esprit de dialogue et d'acceptation réciproque, pour mettre fin à toutes les formes de racisme, de discrimination et d'intolérance».